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MessagePosté: 18 Fév 2020, 09:00 
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Le délitement d’un homme, d’un couple et de l’hôpital public dans une ville de province russe.

Juste après Climats de Ceylan, le film fait office de bouffée d’air alors que le sujet est en partie le même (mais l'amour est mort-né chez Ceylan). Même les critiques les plus négatives du film de Ceylan sur imdb admettaient qu'il bénéficiait de jolis paysages. Point de jolis paysages ici, si vous voyez ce que je veux dire, mais autrement plus d'intérêt.
Autre différence importante, qui concerne l’intrication de la sphère intime et professionnelle. Dans le film de Ceylan, on voit brièvement le personnage dans l’université où il enseigne et dans des discussions avec un collègue, jamais tiré de son solipsisme pourtant. En fait, le personnage n’a aucun intérêt, ses atermoiements sentimentaux non plus même si certains disent que c’est fait exprès.
Ici, loin de cette anémie, on suit les pérégrinations d’un médecin urgentiste dans un récit hybride qui allie une sobriété de cinéma d’auteur et une efficacité narrative toute hollywoodienne. C’est en définitive ce caractère hybride et no-nonsense, typiquement russe, qui frappe : d’un côté pas de musique extérieure au récit à part au moment du générique final par exemple - et encore ça n’arrive que deux fois - des plages de silence qui viennent déchirer les dialogues ou les aspirer, de l’autre la description quasi idéalisée du professionnel qui excelle dans son travail - pas n’importe lequel, on l'a dit - et s’oppose à une hiérarchie et des directives absurdes (mais son opposition dans les confrontations directes est presque nulle, loin d'être hollywoodienne).
Ses conflits intérieurs se déclinent en conflits de couple et conflits avec ses supérieurs, ce qui lui confère cet aspect systématiquement hybride qui correspond à celui du film, héros ordinaire ou type pathétique, plus certainement entre les deux, ou un peu des deux alternativement, mais toujours émouvant. Le film fait preuve d’une compétence sèche, qui suscite souvent l’amusement dans sa manière de regarder ce qu’il raconte dans les yeux, sans chichis comme on dit, avec ce regard qu’on imagine être celui des médecins tout particulièrement, pour finir par accoucher d'une émotion, "pas peu exigeante en termes de temporalité", pour citer notre ami Juan Branco.
Ici pas de russité intrusive et artificielle, de désolation surjouée et pesante comme chez Zvyagintsev : le film, malgré son côté désabusé, fait preuve d’énergie et de naturel, même si l’alcool coule un peu plus que de raison - je n’avais pas encore précisé que le personnage principal avait un problème avec. Les acteurs sont au tops, Gorbacheva qui joue la femme gagne en présence au fil du film de manière impressionnante, mais c’est aussi le cas de l’ambulancier qui accompagne Oleg par exemple, une espèce de colosse au regard doux et un peu las. Pour "le portrait en creux de la Russie actuelle", évoqué comme un cliché éculé par bon nombre de critiques dans les extraits allocine, on repassera, le film me semble bien plus universel.

Nota bene : les médecins en Russie dans le public, qui font des études de sept ans je crois, gagnent d’après les déclarations officielles un peu plus de 700 euros par mois.
Dans un article de 2017, je lis que « le taux horaire d'un médecin (2,30 euros) est inférieur à celui d'un travailleur de la chaîne McDonald's (2,40 euros) » dans un autre de 2019, « Irina Volronova is a neurologist at a public hospital in Yaroslavl, a city north of Moscow. She earns approximately $365, less than half of what she should be earning according to a decree signed by President Vladimir Putin. »

L'avis de changjackie sinon, qui a consacré pour le moment sa filmo à la description du monde hospitalier et de du métier de médecin, serait intéressant, mais on le connaîtra pas.

5/6 les doigts dans le nez (et typiquement le genre de film dont la moyenne des spectateurs sur allocine va être meilleure que la moyenne des critiques - raisonnablement enthousiastes - d'une manière somme toute logique).

la critique de cultureaupoing est bien https://www.culturopoing.com/cinema/sor ... e/20180802


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MessagePosté: 29 Mar 2021, 18:32 
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Remarquable film russe qui est malheureusement passé sous les radars, sorti quasi-anonyme en France sur quelques écrans, et qui mérite d'être découvert. Passé par mal de festivals où il a récolté une moisson de prix, Arythmie est un genre d'Urgences à la russe avec littéralement la vodka en plus, tant les personnages se soulent et boivent tout le long du film. A l'écran, ça va vite, c'est toujours juste et les 110 minutes passent comme un éclair. Mais qu'est-ce que raconte Arythmie? De manière différente d'un Dante Lazarescu, il raconte lui aussi un système de santé qui va mal. Torpillé par une énième réforme de la santé qui pense plus à optimiser les tournées des ambulances et le temps consacré aux patients, on va coller aux basques du médecin urgentiste Oleg bossant dans le même hôpital que sa compagne Katya.

Là ou Khlebnikov brille, c'est de la manière dont il arrive à entremêler constat d'une société qui périclite et les destins intimes de ses personnages. C'est tout d'abord un remarquable directeur d'acteurs. Ce qu'il obtient de ses deux personnages, Alexandre Yatsenko merveilleux avec un jeu intense qui prend aux tripes ou Irina Gorbatcheva toute en nuances, est fantastique. On s'attache à ce couple d'antihéros, leurs portraits sont complexes et riches, ils sont broyés par le système et essaient de se relever. Jamais la dimension intime ne vient prendre le dessus sur la dimension politique. Les deux s'enrichissent et ne rendent que plus fortes l'une d'entre d'elles.

Le film est parfaitement structuré jusqu'à une montée en tension flippante dans sa dernière partie. Tout le passage absurde de la jeune fillette patiente et ce qui en suit et les deux scènes intimes clés que sont la soirée et la dernière scène entre le couple, on est inhumain si on ne chiale pas. Et puis cette fin, qui sur du bon vieux rock russe, dit que malgré tout les obstacles qui vont se dresser sur leur route, il faut que cette patrouille d'urgentistes s'accroche. Le film a beau dénoncer un système qui se casse la gueule, sa note solaire donne espoir. Comme l'espoir que garde leurs héros dans la construction de leur vie intime ou de leur pays et de son système de santé qui va bien se relever un jour même si la situation n'est pas glorieuse aujourd'hui.

Non franchement, une bonne claque et un film très fort. Durant 110 minutes, on est constamment sous tension, c'est un modèle de rythme et on sort K.O. de la projection.

5/6


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MessagePosté: 29 Mar 2021, 18:41 
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bmntmp a écrit:
un récit hybride qui allie une sobriété de cinéma d’auteur et une efficacité narrative toute hollywoodienne. C’est en définitive ce caractère hybride et no-nonsense, typiquement russe, qui frappe : d’un côté pas de musique extérieure au récit à part au moment du générique final par exemple - et encore ça n’arrive que deux fois - des plages de silence qui viennent déchirer les dialogues ou les aspirer, de l’autre la description quasi idéalisée du professionnel qui excelle dans son travail - pas n’importe lequel, on l'a dit - et s’oppose à une hiérarchie et des directives absurdes (mais son opposition dans les confrontations directes est presque nulle, loin d'être hollywoodienne).
Très juste. Niveau rythme, le film est monstrueux tout en allant bien au profondeur des conflit internes de ses personnages et ne survolant pas tous les thématiques de son sujet politique. Ca pourrait virer au pudding indigeste mais c'est à la place un film dense et rempli de vie. Je vais utiliser une expression cliché mais ils sont pas courants les films qui côtoient la mort et qui sont autant remplis de vie tout en ne masquant pas le côté catastrophique du tableau esquissé. C'est à l'image du film nuancé qui saisit toute la complexité sociale de l'environnement dans lequel vit nos héros. C'est un peu tout l'inverse du En guerre de Brizé qui simplifiait son propos social pour le rendre d'une pauvreté et d'un ridicule involontaire. Bref, une vraie réussite ce fil et un gros coup de coeur pour ma part.


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MessagePosté: 29 Mar 2021, 19:54 
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Content que tu te joignes à mon enthousiasme. J'ai vu Une longue vie heureuse après beaucoup moins enthousiasmant sur le gérant d'une ferme qui essaie de résister à une tentative de rachat forcé de son terrain pour défendre le gagne-pain de ses employés.
C'est presque un cliché du cinéma russe actuel de raconter l'homme en lutte contre le système, plus ou moins corrompu, esseulé au sein d'une collectivité au départ amorphe pour se révéler carrément malfaisante (L'Idiot de Youri Bykov, plutôt honorable) mais l'efficacité de Arythmie le distingue vraiment dans le genre.


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MessagePosté: 29 Mar 2021, 21:04 
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Oui tu as un mélange d'efficacité hollywoodienne avec ce qui se fait de mieux aujourd'hui dans le cinéma d'auteur russe. Film passionnant, dense et finalement assez populaire. Je le répète mais les deux acteurs principaux sont formidables. Ils ont une présence singulière. Ce film va finalement totalement à l'encontre du cliché (un peu faux) qu'on pourrait avoir d'un cinéma russe lourdaud. C'est vraiment du cinéma qui prend aux tripes.


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