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La Vie est belle (Frank Capra, 1946)
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Auteur:  Baptiste [ 15 Avr 2012, 14:33 ]
Sujet du message:  La Vie est belle (Frank Capra, 1946)

J'aime bien Capra mais souscris pas mal à ce qu'en disait Kubrick, à savoir qu'il montrait la vie telle qu'elle devrait être et non telle qu'elle est. Je n'étais donc pas particulièrement pressé de voir mon dvd de La vie est belle acheté au rabais il y a plusieurs mois de ça.

Si Capra est effectivement le défenseur d'un modèle chrétien et conservateur, son talent pour donner du relief aux personnes et aux situations irradie dans tout ce film-là, à juste titre considéré comme son chef d’œuvre. J'ai trouvé le film extrêmement actuel dans sa manière d'exposer le dilemme entre désir d'expansion et nécessité de solidarité. James Stewart veut partir vivre une vie de voyage et d'entreprise mais il ne peut se résoudre à laisser ses proches et l'entreprise familiale couler. L'attention à autrui est ainsi d'abord dépeinte comme un frein à la réalisation du désir personnel. Mais Capra accomplit le tour de force de renverser le schéma. A la fin, on comprend que c'est en restant et en se construisant comme saint-patron que le personnage de Stewart s'est révélé à lui-même, et non pas en poursuivant l'ivresse de la découverte et de l'expansion, de la sortie de soi (Capra ferait partie des gens effrayés par ce qu'est advenu le capitalisme d'aujourd'hui).
La partie finale où Stewart plonge dans un monde parallèle où il n'a pas existé fait figure de dispositif un peu lourd pour arriver, on le comprend vite, à une sorte de CQFD convenu. Mais il vient au final s'insérer dans un récit qui confinait depuis le début au fantastique, où James Stewart est constamment placé comme le centre d'une bulle qui éclaterait au moindre de ses faux pas. C'est un peu le reproche que l'on peut faire au propos du film: le conservatisme, le paternalisme même, de placer un homme au centre de tout. Le personnage de sa femme est à ce titre éloquent, qui d'abord est charmeur et facétieux, mais apparaît très vite dépendant (sans lui, dans le monde parallèle, elle est devenue une vieille fille craintive, un rat de bibliothèque...). C'est cette notion de dépendance qui est un peu gênante: "que seraient ces pauvres gens sans cet illuminé de James Stewart", semble nous dire Capra. Les propos de Kubrick prennent alors tout leur sens. Capra n'a aucune intention de décrire le monde tel qu'il est, où les désirs des uns et des autres sont constamment en opposition, et non pas en soumission; il se contente d'édifier autant de paraboles cinématographiques, admirables tant par leur construction que par leur sensibilité et leur richesse (il y aurait mille choses à dire sur chaque séquence de ce film), mais pour moi limitées dans leur nature-même.

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