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Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)
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Auteur:  Tom [ 13 Mar 2012, 01:18 ]
Sujet du message:  Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

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Un groupe d'Européens a échoué à Las Piedras, une misérable bourgade d'Amérique du Sud où règne la misère. Un jour, un puits de pétrole est ravagé par un gigantesque incendie. Une compagnie pétrolière américaine, la SOC, décide d'embaucher quatre hommes afin de convoyer 400 kilos de nitroglycérine, répartis en deux camions, jusqu'au puits de pétrole. Mais les routes sont presque impraticables, et le moindre cahot peut être fatal.


Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français, à la fois assurément professionnel (le projet, qui réinvente avec aisance le continent Sud-Américain dans la Provence française, a quand même de la gueule), et traversé d'une exigence artistique ferme. Le mec a une ambition cinématographique évidente, qui le place à mille lieues au-dessus d'une grande partie du ciné français classique. Néanmoins, pour la première fois chez lui, j'y vois pas mal de limites (là où elle n'étaient qu'un arrière-parfum discret et négligeable sur ses autres films).

C'est en fait bizarrement la partie routière qui me déçoit. La très longue introduction est beaucoup plus surprenante et intrigante au final, ne serait-ce que parce qu'elle est anormalement longue, justement. Clouzot nous ballade dans un amas de personnages méprisables et sans dignité, nous plonge dans un bain étouffant de virilité beauf, quelque part entre la charge ultra-machiste et une sorte d'allusion homosexuelle constante, le tout dans un paysage de fin du monde, Babel où tout le monde pourtant se comprend, à la fois nulle part et n'importe quand... Le film parvient discrètement à se créer une diégèse riche, à poser un décor de limbes. Mais surtout, cette première partie, je la trouve paradoxalement beaucoup plus tendue et stressée que la véritable aventure qui va suivre. La scène d'affrontement au bar avec Luigi, par exemple (un des gros morceaux de mise en scène du film) est à couper au couteau.

Le départ nocturne est grand, la suite l'est moins... Dès que les camions sont en marche, le film prend une tournure un peu mécanique, alignant des séquences-bloc comme autant de niveaux, à chacun sa difficulté rencontrée. Ça devrait être ludique et sadique, mais le résultat est bizarrement scolaire. Des séquences impeccables émerge une petite impression de stérilité (le suspense pour le suspense, en vase-clos), pas aidée par l'artificialité de certains obstacles ou rebondissements, qui se voudraient hitchockiens et qui manquent pour ça d'une raison "d'être là" :
je pose un ponton en bois pourri juste au tournant où il faut, juste pour me permettre une scène ; quelques secondes avant l'explosion, je décide d'aller éteindre la mèche ; ou je retourne au village sur les routes de montagne en roulant en zig-zag comme un mongol : ce dernier passage, qui n'a rien d'autre à dire qu'un truc du genre "rhaaaa ma bonne dame c'est l'ironie du destin", fait par exemple partie des choses qui rendent parfois le film très petit, replié sur son savoir-faire (ça me ferait penser à du Coen flemmard, tiens).

C'est pas histoire de renier l'achèvement du truc, mais il est plutôt curieux de voir que dans cette grosse heure qui devrait tout entière être gouvernée par la tension, c'est justement les autres tentatives qui ressortent : la beauté de l'avancée en forêt la nuit, le passage quelque peu irréel autour de la nappe de pétrole, ou encore l'intelligence trop rare du personnage allemand (ce qui fait que le meilleur passage "tendu" est de loin celui du rocher bloquant la route ; pas tant pour la tension, justement, que pour le plaisir de voir enfin l'intelligence d'un personnage à l’œuvre, et la façon dont cela reconfigure les rapports du groupe).

Au final ça reste très bien, mais derrière la maîtrise non-stop, l'inspiration fait quand même sérieusement du yoyo tout au long des 2h30. Je lui préfère quand même assez nettement Les Diaboliques et Le corbeau, moins refermés sur leur performance, plus riches et plus étranges.

Auteur:  David Swinton [ 13 Mar 2012, 07:24 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Moi c'est l'inverse, c'est tout le début que j'ai trouvé assez chiant et longuet. Pour moi, elle ne sert qu'a installer l'intrigue et elle prend trop de temps à le faire. Le seconde partie par contre est vachement puissante et prenante. Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque. Et ça ne m'étonne pas qu'on ait pu comparer Spielberg à Clouzot quand il a sorti son DUEL. D'ailleurs, son JAWS m'a fait aussi pensé au SALAIRE DE LA PEUR (pour le côté intimiste et l'aventure mâle).

5/6

Auteur:  Tetsuo [ 13 Mar 2012, 09:02 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Tom a écrit:
Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français


Là par contre, je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles de solidité !

Auteur:  Tetsuo [ 13 Mar 2012, 09:03 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

David Swinton a écrit:
Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque.


Faut pas exagérer non-plus.

Auteur:  Jack Griffin [ 13 Mar 2012, 10:04 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Un film qui a quelques faiblesses, le remake de friedkin est meilleur.

Auteur:  David Swinton [ 13 Mar 2012, 18:17 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Tetsuo a écrit:
David Swinton a écrit:
Oui, le suspense peut paraître banal et mécanique aujourd'hui. Mais c'était clairement avant-gardiste pour l'époque.


Faut pas exagérer non-plus.


Cette façon de manier le suspense, de le découper, c'était du jamais vu a l'époque (je parle de l’entièreté du cinéma de Clouzot). D'ailleurs Hitchcock en a clairement pris de la graine à la même époque non?

Auteur:  Art Core [ 13 Mar 2012, 18:19 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Oui une bonne claque quand je l'avais découvert. Toute la partie suspense est admirable, je n'avais aucune idée qu'un tel cinéma français pouvait exister.
Reste qu'effectivement le Friedkin est probablement au dessus. Chef d'oeuvre absolu (à quand le blu-ray ? probablement jamais :( )

Auteur:  Tom [ 13 Mar 2012, 20:11 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Quoi pour celui-ci ? Le blu existe, et il est nickel :
http://www.criterion.com/films/370-the-wages-of-fear

Auteur:  Cosmo [ 13 Mar 2012, 20:16 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Art Core a écrit:
Oui une bonne claque quand je l'avais découvert. Toute la partie suspense est admirable, je n'avais aucune idée qu'un tel cinéma français pouvait exister.
Reste qu'effectivement le Friedkin est probablement au dessus. Chef d'oeuvre absolu (à quand le blu-ray ? probablement jamais :( )


A vrai dire, je trouve les deux tellement différents. Le premier me semble incroyable de puissance et de maîtrise (comme toi j'en étais presque surpris que ça puisse exister en France à cette époque, un truc pareil, je m'attendais à un vieux coucou gentiment naïf - premier Clouzot que je voyais) alors que l'autre est, avec quelques autres films de l'époque (on pense à Aguirre par exemple) une espèce de vision de l'enfer. Ma sensibilité me rapproche du Friedkin, peut-être. En fait j'aimerais vraiment les revoir tous les deux.

Auteur:  Mister Zob [ 13 Mar 2012, 20:21 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Tom a écrit:
Quoi pour celui-ci ? Le blu existe, et il est nickel :
http://www.criterion.com/films/370-the-wages-of-fear

Tout le monde n'est pas dézoné, jeune homme. ;)

Auteur:  Tom [ 13 Mar 2012, 20:23 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Genre je l'ai acheté :D

Sinon, pour le côté "je croyais pas ça possible en France", sans pour autant être une caricature du ciné US, c'est clair que c'est un truc que j'admire chez Clouzot, comme chez Melville après lui d'ailleurs.

Auteur:  Art Core [ 13 Mar 2012, 21:03 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Pour le Blu je parlais de Sorcerer qu'on ne verra sans doute jamais sur le support.

Auteur:  Puck [ 13 Mar 2012, 21:58 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Tetsuo a écrit:
Tom a écrit:
Clouzot confirme son statut de bête ultra-solide du cinéma français


Là par contre, je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles de solidité !


Grave, revu il y a quelques mois avec le daron, je l'avais pas vu depuis genre mes 16 ans. J'ai été étonné de voir la maitrise du truc, tout fonctionne, et le début surtout, je l'aime beaucoup, c'est ce que j'ai trouvé le plus "avant gardiste" finalement.

Ouais, 6/6

Auteur:  Mister Zob [ 14 Mar 2012, 00:41 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

Art Core a écrit:
Pour le Blu je parlais de Sorcerer qu'on ne verra sans doute jamais sur le support.

Moi j'y crois !
Entre 2 séances de ré-étalonnage de French Connection, je suis sûr que Bill trouvera un jour le temps de casser les couilles d'Universal et/ou Paramount pour que ça sorte.
A ma connaissance il a même déjà bossé sur des bonus.

Auteur:  Tetsuo [ 14 Mar 2012, 09:05 ]
Sujet du message:  Re: Le Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot - 1953)

David Swinton a écrit:
Cette façon de manier le suspense, de le découper, c'était du jamais vu a l'époque (je parle de l’entièreté du cinéma de Clouzot). D'ailleurs Hitchcock en a clairement pris de la graine à la même époque non?


Non. La méthode Hitchcock s'est rodée avec ses thrillers anglais des années 30 et ses films hollywoodiens des années 40. En 53, il atteignait le sommet de son art et de son inspiration et il n'avait de leçon à recevoir de personne et certainement pas de Clouzot (dont c'est, en effet, l'un des films les impressionnant, mais de là à parler d'avant-garde, faut pas déconner. D'ailleurs il s'est totalement crouté quand il a tenté de se lancer dans l'avant-garde le père Henri-Georges...).

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