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MessagePosté: 05 Oct 2021, 22:07 
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Septembre 1943, le gouvernement de Mussolini tombe et l'armée italienne capitule face aux alliés, pendant que la partie la plus fanatique du régime se replie vers le Nord. Le général Badoglio, qui assure l'interim, émet une déclaration ambigüe, pouvant passer pour l'annonce du basculement de l'armée italienne aux côtés des forces américaines, mais sans que cela ne soit complètement explicite. Les troupes allemandes considèrent les soldats italiens comme des ennemis. Mais l'armée italienne se désagrège rapidement, ce qui confère aux Allemands le pouvoir d'administrer de fait une partie du pays, alors qu'ils reculent (situation qui augmente le risque de faire face à des représailles). Selon leur tempérament et leurs convictions, certains rejoignent la résistance, plutôt marquée à gauche, d'autres des milices facistes qui n'ont plus rien à perdre et n'ont de comptes à rendre à personne. Les plus nombreux retournent de leur propre initiative au civil (l'habit faisant alors le moine) et traversent l'Italie dans l'espoir de retrouver leurs proches.
Dans la confusion, l'information circule mal et certaines compagnies en manoeuvres découvrent la nouvelle donne avec les tirs des Allemands. C'est le cas de l'unité du Lieutenant Innocenzi (Alberto Sordi). Un homme borné et autoritaire, roublard et sans conviction précise, mais relativement consciencieux, ce qui n'est pas forcément un avantage face au fascisme, et soucieux de la vie des soldats. Il survit aux premières attaques allemandes, et légaliste, essaie avec ses hommes de rejoindre le commandement dans le Nord de l'Italie. Mais ses hommes se défilent peu à peu. Lorsqu'il croise son chef, désabusé mais plus fortement critique du fascisme, il décide à son tour de repartir en civil, cette fois-ci vers le sud, dans la Latium où son père habite. Il croise la route de Ceccarelli (Serge Reggiani), un soldat sans grade, encore plus borné qu'il ne l'est lui-même, voire légèrement demeuré, qui se plaint d'un ulcère (son seul sujet de conversation), et considère que puisqu'il est en permission, il ne peut logiquement pas déserter non plus. Deux autres hommes l'accompagnent, l'un jeune, qui vient d'une famille fasciste, l'autre plus matois et rond, marié et paysan aisé. Ils ont tendance à prendre Ceccarelli de haut...


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Film qui n'a pas usurpé sa réputation. Le début laisse penser à une version italienne la Grande Vadrouille (le titre français et la dynamique du duo Sordi-Reggiani peuvent laisser penser à une influence de ce film sur celui du Gérard Oury), mais le film de Comencici est bien plus âpre, complexe et lucide. Il se rattache en fait à des films comme Ossessione et Paisa, le détour par la comédie étant l'occasion de faire survivre l'urgence politique du premier néoréalisme pour le public d'une société pacifiée et consumiériste, exactement au moment où celui-ci se constitue. La Nuit de San Lorenzo des Taviani reprend beaucoup au film de Comencini : les Taviani filment le peuple comme une victime là où il est un enjeu et un regard extérieur, juge muet et hors-champs pour Comencini (justifié là où il n'existe pas encore en somme).

il y a une petite réserve : le film laisse voir son âge, car même si le propos du film est très cohérent , et la psychologie des personnages développée, il possède une structure en chapitres accentuant l'aspect picaresque des situations , mais renvoyant aussi à Paisa. Dans la comédie et la honte morale le même homme traverse toutes les villes et les situations, quand dans la lutte seul le spectateur les relie et ce qui est neuf pour le sens l'est aussi pour le regard. Le film veut ainsi couvrir toute les situations de l'époque, depuis l'antisémitisme, le fascisme radical qui fanatise même des adolescents, jusqu'à l'unanimisme de la résistance populaire qui légitime directement la Deuxième République. Mais Comencini est un excellent metteur en scène (aussi bon dans le scènes d'intérieur que les plans extérieurs, très dynamiques, proche du Nouvel Hollywood en fait), chaque passage est ancré dans un lieu fort et ample (une batterie côtière, des réfugiés qui attendent le bac, une ferme avec un univers de femmes où se cache un soldat américain, un train de refugiés coincé dans un tunnel, les ruines de Naples, seule ville à s'être lbérée en Italie) qui existe...on y croit. Beaucoup de choses sont extrêmement justes, autant par l'image que les mots*, Comencini et les scénaristes (Age et Scarpelli) ont visiblement vécu ce qu'ils montrent et veulent les faire comprendre, et se comprendre eux-mêmes, par le film

Sordi est extraordinaire, même quand il cabotine. Le dernier tiers est remarquable : Sordi adapte son jeu et évolue vers une étonnante sobriété et sécheresse après la scène bouleversante
où il réalise que son père est un fasciste convaincu, qu'il a converti les attitudes de ckui-ci en surmoi politique, et qu'il n'avait rien compris, pas compris qu'il n'y croyait pas, aveuglé par la talent artistique et le ton bohème du père qui est un vêtement derrière lequel se cachaient la haine banale et le conformisme. C'est superbe, et en effet, Comencini filme un vieil enfant qui peut encore devenir adulte. Reggiani est aussi changé par la scène, se comportant comme un prophète épuisé par le seul fait d'en être le témoin , sortant de l'idiotie en comprenant le père de l'autre. Et c'estcomplètement crédible
.

Comme souvent chez Comencini le film a une structure un peu hétérogène et composite (qui n'est pas sans charme) mais il y a des larges passages qui font partie de ce que j'ai vu de plus fort depuis des années.

5/6


* (Avec Badoglio c'est toujours la merde : quand il annonce que la guerre continue elle s'arrête, et quand il dit qu'elle s'arrête, elle recommence !).

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

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