Forum de FilmDeCulte

L'histoire se déroule dans la Suède du début du XXe siècle. Le film dépeint la vie d'un jeune garçon, Alexandre, et de sa soeur Fanny au sein d'une famille aisée, les Ekdahl. Les parents de Fanny et Alexandre travaillent dans le théâtre et sont très heureux ensemble jusqu'à la mort subite du père. Peu après ce drame, la mère trouve un prétendant, un évêque luthérien, et accepte sa proposition de mariage. Elle déménage chez lui avec les enfants ; c'est un endroit où règne une atmosphère sévère et ascétique. Les enfants sont soumis à son autorité stricte et impitoyable. C’est à travers le regard de deux enfants, l'évocation de toutes les étapes de la vie d'une femme au début du 20ème siècle. Fanny et Alexandre débute par une grande fête où se retrouvent autour d’une généreuse tablée tous les membres de la grande famille Ekdahl....

De Bergman j'ai un souvenir très fort du Septième Sceau, très peu voir aucun de quelques autres (Le Silence, Le Rite ou Une Passion), et le souvenir d'une séance particulièrement désagréable avec le pourtant très estimé Cris et chuchotements vu en 2016, où la surenchère hystérique avait fini par m'être totalement insupportable. C'est donc avec retenue (voir réticence) que je me suis lancé dans le monument Fanny et Alexandre (la version cinéma, je n'ai tout de même pas eu la témérité d'opter pour la version TV). Et si la première heure n'a pas totalement effacé mes craintes (je lui trouve un côté très tchekhovien, d'ailleurs certaines scènes de la dernière partie - chez la grand-mère - ne sont pas sans rappeler l'atmosphère de Partition inachevée pour piano mécanique), la crise hystérique n'étant jamais loin d'éclater et certaines scènes s'étirant trop en longueur (Gustav Adolf et sa pâtisserie qu'il veut fourrer à longueur de temps), elle contient néanmoins quelques très belles scènes (La discussion entre la grand-mère Helena et Isaac Jacobi, excellent Erland Josephson).

Mais c'est avec la mort du père et le second mariage de leur mère avec l’évêque Vergerus que le film bascule dans une autre dimension. La précision millimétrée que prend alors la réalisation de Bergman (en bon protestant, l'ascèse ne lui convient-elle pas mieux que la profusion des décors de la première partie?), l'intensité du duel qui se joue entre les deux familles (et plus particulièrement entre le beau-père et Alexandre) résulte en un enchaînement de scènes d'une puissance écrasante (comme la loi de Dieu dans la vision quasi-hallucinée de l'évêque). Je lisais quelque part que Bergman aimait taper sur l'église tout en représentant la cellule familiale tel un îlot paradisiaque (vision on ne peut plus protestante), si la description de la famille Vergerus (la sœur au bord de la folie, la mère telle l'esclave des travers de son fils) supporte parfaitement le côté anti-ecclésiastique, et bien que la scène finale se résume en une certaine défense de la cellule familiale, elle se fait à minima, en pleine conscience des tares qu'elle contient (Gustav et sa pâtisserie, Carl qui est un raté), en tout cas loin d'être idyllique.

Film qui me réconcilie d'une certaine manière avec Bergman, qui me donne envie en tout cas d'approfondir sa filmographie (en essayant d'éviter les écueils trop hystériques).

5/6

Pour ceux qui ont vus les deux versions, est-ce que la version TV allonge de manière équivalente chacune des parties, ou donne une nouvelle tonalité à l'une d'entre elle?

Si on faisait un jour la liste des films sur les beaux-pères malfaisants, il est certain que l'évêque de Fanny et Alexandre y tiendrait bonne place, à côté par exemple du prédicateur de La nuit du chasseur, film auquel j’ai pensé en revoyant celui de Bergman (la version TV). Fanny et Alexandre, c’est un peu les John et Pearl du film de Laughton : deux gamins confrontés au Mal personnifié par ce père de substitution, qui finiront cependant par le vaincre.

C’est la première fois chez Bergman (et aussi la dernière) que des enfants ont autant d’importance dans l’intrigue, ce qui en fait vraiment une œuvre à part dans la filmo du réalisateur (hormis le fait que c’est aussi sa fiction la plus longue, battant de quelques minutes Scènes de la vie conjugale, et la plus couteuse).

Le film s’appelle Fanny et Alexandre mais c’est le garçon qui intéresse le plus Bergman. On a beaucoup dit, écrit, qu’il était l’alter égo du réalisateur. Son goût du théâtre, de la fiction en général (les mensonges qu’il invente), ses visions fantasmatiques le désignent effectivement comme un futur artiste.
Mais c’est l’occasion pour Bergman de nous rappeler que cette appétence pour les fantômes, les chimères de la fiction, n’est pas suffisante en elle-même pour créer un artiste, en tout cas un véritable artiste, c’est-à-dire un brin « torturé » dans l’esprit de Bergman. Il faut en passer pour cela par l’épreuve de la réalité : pour Alexandre, ce sera la mort de son père puis la confrontation avec son maléfique beau-père (preuve au passage pour un enfant comme Alexandre que les monstres n’existent pas seulement dans les contes).

Toute la dernière partie, avant l’épilogue, est vraiment vertigineuse. Bergman a rarement été aussi loin dans une veine qui frôle le fantastique, le merveilleux, comme si l’évocation de l’enfance lui permettait toutes les audaces en la matière.

Admirable.

Elles sont un peu plus vieilles, mais les adolescentes et leur père jouent un rôle central dans la Source et De l'autre coté du Miroir. Il y aussi un jeune enfant dans le Silence (et l'amorce de la lanterne magique, dans le regard par les fenêtres du train sur la ville en guerre).
Mais c'est vrai que ces films se rattachent à la veine la plus sombre de son cinéma, et que ce sont des personnages sacrifiés par leurs parents (littéralement dans le cas des jeunes filles dans les deux premiers films, mais moralement et inconsciemment par la mère du garçonnet dans le troisième... division de destin qui correspond à une division sexuelle).

Edit ha non dans de l'autre coté du miroir Harriet Andersson a déjà 29 ans, mais semble plus jeune à cause de la régression psychologique que son personnage subit (sans parler de l'inceste avec son jeune frère)

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman

Oui oui lui je m'en souvenais bien ainsi que ses déambulations dans l'hôtel, comme le petit Danny dans Shining. Mais il n'a pas la profondeur du personnage d'Alexandre.