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MessagePosté: 23 Oct 2013, 10:39 
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Tom a écrit:
Karloff a écrit:
le cinéaste préférant la rigueur protestante à l'emphase catholique

Bah c'est très bien résumé. Encore un film de des Pallières potentiellement génial (quand même sacrément impressionnant, cette fois-ci), mais encore un film de des Pallières partiellement raté.


Très impressionnant, mais complètement raté dans son ambition à mon sens. Ratage virtuose : choix radicaux de mise en scène qui vont à l'encontre du récit et du propos.

Tom a écrit:
Le film pose deux choses.

Un récit d'une part : celui, pas toujours très limpide (beaucoup de trous à combler nous-même, un alignement de faits plus qu'une dramaturgie) de Michael Kohlhaas, marchand de chevaux qui se lance dans une vengeance contre tout un royaume, sur fond de transition religieuse. Cette dynamique basique (réparer l'injustice) est finalement la seule "émotion" (quoique très théorique) à laquelle on va pouvoir se raccrocher pour rentrer dans cette histoire. Ce qui fait, entre autres, qu'avant la scène où l'on ramène la femme au domaine, le film ne décolle pas.


C'est étrange comme des Pallières fuit le centre de son propos. L'injustice nous est donné comme un fait accompli et à aucun moment, il ne nous permet de nous approcher un peu du conflit interne du personnage. Qu'est-ce qui amène Kolhaas à mener sa croisade fanatique pour réparer l'injustice ? Ce n'est clairement pas l'injustice qui lui est faite (sa réaction à l'injustice est trop singulière pour pouvoir reposer seulement là-dessus). C'est bien la représentation que Kolhaas se fait de la justice et de son accomplissement (et toute sa représentation du monde) qui le mène vers une réaction aussi radicale. Pourquoi des Pallières refuse d'entrer dans la mise en scène et la dramatisation de cette représentation ébranlée ?

Mikkelsen et le propos me fait inévitablement penser à "The hunt" de Vinterberg qui, lui, choisit la voie opposée et construit tout son film sur la dramatisation du conflit interne du personnage victime d'une injustice. Ce qui est intéressant chez Vinterberg, c'est qu'il amène dans son récit une question que des Pallières semble évacuer dès le départ et qui à mon avis est central à son propos (très protestant) : l'innocence...

Tom a écrit:
EDIT : on peut commencer par un truc super bien vu de la critique (par ailleurs un peu vide) de Guillaume Orignac dans Chronic'art : "Voilà donc le fond de ce film, dont l’étrangeté se cache derrière les contraintes du genre : les enfants (baron, princesse, fille) y sont des rois insolents, et les adultes leurs jouets. Moins film historique (...) qu’évocation rêveuse d’un monde dérangé, Michael Kohlhaas est un songe sur la barbarie terrée au fond de la civilisation. ". En repensant au film à rebours, ce retournement est effectivement frappant (et ce sont d'ailleurs les trois persos flippants).


Il y a quelque chose qui se cache derrière tout ça, mais qui ne fonctionne pas bien dans Kolhaas et qui marche vraiment bien dans "The hunt"

Tom a écrit:
Et puis la deuxième chose, c'est un univers (une diégèse, un parti-pris de représentation...) absolument génial. Soit prendre l'époque pour ce qu'elle est, la déromantiser complètement, la dénuder de toute son imagerie, y coller au détail : retrouver une sorte de vérisme brut et dépassionné (très "protestant", en effet). Et ensuite appuyer l'étrangeté de ce qu'on a obtenu : en faire ressortir la sévérité, la minéralité, l'obscurité (le film est quasi-entièrement composé de contre-jours). Mikkelsen en est l'exemple le plus frappant : on le ramène à la matérialité de son corps, à son visage de pierre, à l'essence, et on cultive l'iconicité d'un tel roc.


L'univers et le parti-pris de représentation de des Pallières sont très impressionnants dans leur fabrication. Mais, pour le coup, ici, il détruit son récit et son propos, non ? L'acharnement de des Pallières sur tout ce qui est matériel est une façon d'éviter très soigneusement la question de la représentation (image du monde) de Kolhaas lui-même. Le vérisme brut et dépassionné comme tu dis, Tom, est en opposition totale avec ce qui se joue pour le personnage de Kolhaas qui lui est dans une lutte idéologique, une lutte pour l'accomplissement de la justice selon sa représentation du monde. En nous plongeant avec autant de puissance dans sa propre représentation sur-matérielle et sur-incarnée du monde de Kolhaas, des Pallières nous empêchent de voir, et lui avec, l'image que Kolhaas a de son monde. Il flingue son entreprise. C'est troublant la façon dont des Pallières persiste et signe dans l'idée que tout est matière, rien n'est image ni représentation (vérisme brut comme tu dis) alors que c'est le coeur même du conflit interne du personnage. Tout est là pour que l'affrontement puisse avoir lieu, mais des Pallières nous le refuse. Etrange. Récit, propos et mise en scène marchent effectivement côte à côte, mais pire, il me semble qu'ils se détruisent les uns les autres.

"Michael Kolhaas" me fait penser à "L'hiver dernier" (vu l'année dernière, avec Vincent Rottiers). Les deux films reposent sur un personnage principal opaque et minéral, des partis-pris esthétiques radicaux, une beauté ahurissante de tous les plans, une sècheresse et une aridité terrifiante, une présence de la nature comme un personnage à part entière, un refus de dramatiser le propos, une rigueur de mise en scène très impressionnante... Ils sont vraiment très semblables, mais "L'hiver dernier" dans sa mise en scène parvenait mieux à mêler et opposer recherche de vérisme brut et vision romantisée du personnage. Il y avait quelque chose de plus complexe et abouti dans "L'hiver dernier" où le parti-pris de représentation rejoignaient le récit, devenait le récit lui-même. C'est ce qui me manque cruellement dans "Michael Kolhaas" pour pouvoir vraiment entrer dans le film de des Pallières.

Pourtant, tout était là pour me plaire au départ.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 12:23 
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Harry White a écrit:
L'injustice nous est donné comme un fait accompli et à aucun moment, il ne nous permet de nous approcher un peu du conflit interne du personnage. Qu'est-ce qui amène Kolhaas à mener sa croisade fanatique pour réparer l'injustice ? Ce n'est clairement pas l'injustice qui lui est faite (sa réaction à l'injustice est trop singulière pour pouvoir reposer seulement là-dessus). C'est bien la représentation que Kolhaas se fait de la justice et de son accomplissement (et toute sa représentation du monde) qui le mène vers une réaction aussi radicale.

Mais cette bizarrerie, il la pose devant nos yeux, quand la fille lui pose les deux questions : "tu fais ça pour les chevaux ? / - Non / - Tu fais ça pour maman ? / - Non". Ça pose deux choses : déjà que l'opacité et le mystère des raisons poussant à la vengeance ne sont pas un accident du film, mais sa question centrale, son enjeu. Et ensuite, le refus brutal de nous laisser une porte d'entrée via l'intériorité du personnage : "non", "non".

A travers notamment le personnage de Lavant, et les rapports de Kohlhaas avec lui, on sent que le film dessiner le portrait d'un monde en mutation entre la justice divine, et la loi qui va avec (accepte, pardonne, tend l'autre joue), et une autre forme de justice, matérielle et bien humaine celle-là, qui serait celle d'une future et lointaine république égalitaire. Kohlhaas là-dedans est peut-être moins un personnage qu'une idée, un bug dans ce monde médiéval et sa pensée.

Quand tu dis :

Harry White a écrit:
Pourquoi des Pallières refuse d'entrer dans la mise en scène et la dramatisation de cette représentation ébranlée ?
Citation:
'acharnement de des Pallières sur tout ce qui est matériel est une façon d'éviter très soigneusement la question de la représentation (image du monde) de Kolhaas lui-même.

... j'ai l'impression que c'est un reproche que tu pourrais faire au cinéma moderne dans son entier (je veux dire moderne pas au sens de "contemporain", mais au sens de la période esthétique : Straub, Godard, Wenders, Antonioni...). Un cinéma qui ne passe pas par l'identification au personnage (je parle d'identification au sens riche : plier le monde à sa vision), qui refuse l'immersion complète et sans condition dans le récit. Je n'en fais pas une excuse hein, mais je me demande si Despallière a vraiment envie de nous faire ressentir et partager la rage de son personnage, plus occupé qu'il est à la conceptualiser, à l'interroger, à la """poétiser""" (entre 36 guillemets parce que ça reste vraiment sec : il reste que le tout dernier plan fonctionne sur ce principe-là, sur la beauté de l'absurdité de la lutte, plus que sur une identification à la tragédie du personnage).

Harry White a écrit:
Le vérisme brut et dépassionné comme tu dis, Tom, est en opposition totale avec ce qui se joue pour le personnage de Kolhaas qui lui est dans une lutte idéologique, une lutte pour l'accomplissement de la justice selon sa représentation du monde.

Mais on pourrait dire aussi que l'idéologie de Kohlhaas est un évènement dans l'univers du film parce qu'elle est ulrta-matérialiste, justement, et que cette façon de filmer en est le miroir.

Je ne renie pas le gêne dont tu parles après, je garde comme toi l'impression d'un film un peu coupé en deux, mais je ne suis pas sûr que le façonnage du monde selon la vision du personnage (plutôt que dans un face à face et un dialogue avec lui, comme c'est esquissé ici), soit la solution.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 22:03 
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Tom a écrit:
Harry White a écrit:
L'injustice nous est donné comme un fait accompli et à aucun moment, il ne nous permet de nous approcher un peu du conflit interne du personnage. Qu'est-ce qui amène Kolhaas à mener sa croisade fanatique pour réparer l'injustice ? Ce n'est clairement pas l'injustice qui lui est faite (sa réaction à l'injustice est trop singulière pour pouvoir reposer seulement là-dessus). C'est bien la représentation que Kolhaas se fait de la justice et de son accomplissement (et toute sa représentation du monde) qui le mène vers une réaction aussi radicale.

Mais cette bizarrerie, il la pose devant nos yeux, quand la fille lui pose les deux questions : "tu fais ça pour les chevaux ? / - Non / - Tu fais ça pour maman ? / - Non". Ça pose deux choses : déjà que l'opacité et le mystère des raisons poussant à la vengeance ne sont pas un accident du film, mais sa question centrale, son enjeu. Et ensuite, le refus brutal de nous laisser une porte d'entrée via l'intériorité du personnage : "non", "non".


Oui, ce sont des choix très clairs, mais pour nous amener vers quoi ? La seule chose qu'il nous laisse comme appui c'est son acharnement matériel et sensoriel, sa mise en scène. Hors ce parti-pris de représentation est totalement "à côté" des idées qu'il semble interroger (le mystère du sentiment de besoin de justice lorsque ni la loi divine, ni les lois des hommes ne peuvent la rendre).

J'ai rien contre le fait que Kolhaas soit plus une idée qu'un personnage... mais pourquoi Kolhaas est-il le seul à être réduit à une idée, c'est ça qui m'intéresse ? Pourquoi tout le reste est-il sur-incarné ?

Le cinéma qui ne passe pas par l'identification au personnage est un cinéma qui m'attire et que j'aime. Je pense que mes plus grandes émotions cinématographiques sont de ce côté là. Mais chez les auteurs que tu cites comme "moderne" au sens esthétique, les paysages, les visages, des gestes sont aussi parfois des idées. Chez des Pallières, ici, Kolhaas est idée, tout le reste matière... ça me trouble et je ne comprends pas son concept.

Dans le genre "concept de l'acharnement matériel" réussi je pense à "Rosetta" - Rosetta, le personnage, est une idée mais les frères Dardennes, avec précision, travaillent à l'incarnation de leur idée tout autant qu'à l'incarnation du monde qui l'entoure. En confrontant leur "concept Rosetta incarné" au monde matériel, ils en tirent non seulement une matière dramatique, mais ils nous invitent à partager cette confrontation de l'idée au monde matériel. L'idée Kolhaas est beaucoup trop vague et abstraite pour supporter sa confrontation au monde matériel.
Tom a écrit:
Harry White a écrit:
Le vérisme brut et dépassionné comme tu dis, Tom, est en opposition totale avec ce qui se joue pour le personnage de Kolhaas qui lui est dans une lutte idéologique, une lutte pour l'accomplissement de la justice selon sa représentation du monde.

Mais on pourrait dire aussi que l'idéologie de Kohlhaas est un évènement dans l'univers du film parce qu'elle est ulrta-matérialiste, justement, et que cette façon de filmer en est le miroir.


C'est bien là le problème. "C'est pas pour les chevaux, c'est pas pour maman..." c'est pour un sentiment, une idée, une vision, une représentation. Je ne trouve pas que son idéologie soit ultra-matérialiste, elle est au contraire très abstraite, et c'est ce qui me gêne.
Je ne pense pas non plus que la solution soit dans le façonnage du monde selon la vision du personnage, mais je constate à quel point le face à face entre l'idée vague qu'est Kolhaas lui-même et le parti-pris de mise en scène ne dialoguent pas du tout. Je trouve ça étonnant. Et je me demande vraiment quel est le propos et l'ambition du film, dans son concept même.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 22:51 
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Citation:
L'idée Kolhaas est beaucoup trop vague et abstraite pour supporter sa confrontation au monde matériel.

Cette conversation va trop loin pour 23h49.

Tom a écrit:
Je ne pense pas non plus que la solution soit dans le façonnage du monde selon la vision du personnage, mais je constate à quel point le face à face entre l'idée vague qu'est Kolhaas lui-même et le parti-pris de mise en scène ne dialoguent pas du tout.

Oui on est d'accord, c'est le nœud du problème. C'est d'autant plus dommage que c'est pas forcément un problème dans le reste de ses films, je trouve. Cela dit, Kohlaas vieillit très bien avec le temps, faudra voir s'il supporte une re-vision.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:11 
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C'est le seul film de des Pallières que j'ai vu. "Adieu" et "Parc" m'intriguent. Kolhaas subsiste longtemps après vision mais avec un arrière goût très imprécis, des images et des temps qui restent mais sans pouvoir les rattacher à une idée ou une émotion précise. Ce qui reste pour moi c'est la puissance et la force de la mise en scène. Ca m'interpelle cette puissance cinématographique au service de... quelque chose de très imprécis.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:27 
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Si tu veux en voir d'autres, essaie plutôt ses docs d'abord (Disneyland et Drancy Avenir surtout), c'est le meilleur de sa filmo (et ils sont tout aussi "fictionnalisés" à leur façon, donc...). Adieu est inégal (deux histoires, une un peu chiante et une superbe), Parc est très raté à mon goût.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:36 
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Ca se trouve quelque part Drancy Avenir?

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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:42 
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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:48 
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Mr.Orange a écrit:
Ca se trouve quelque part Drancy Avenir?

Y a un DVD édité par Arte.


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MessagePosté: 23 Oct 2013, 23:55 
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Ah bah oui tiens.

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MessagePosté: 24 Oct 2013, 10:53 
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Je suis bien tenté par "Drancy avenir".
Tu écris :
Tom a écrit:
Je suis de plus en plus convaincu que Des Pallières a besoin d'une altérité, de quelque chose de profondément étranger à son cinéma (ou pour être plus précis : d'étranger à la caricature du cinéma d'auteur français), pour que son talent s'épanouisse complètement.
C'est vraiment le noeud du problème de Kolhaas. Je ne connais pas bien des Pallières donc je ne sais pas pour ces autres films, mais ce qui est étonnant, c'est que dans Kolhaas, il semble amener une altérité, la vouloir, en amenant des éléments qui pourraient bousculer la puissance de son cinéma (Mikkelsen, récit ample et dramatique qui poussent les personnages vers une possible expression humaine et terrestre par opposition à une expression idéologique) mais des Pallières se montre inébranlable... Envie de l'altérité, mais peur en même temps ? Au final, dans Kolhaas, il ne parvient pas à réfléchir sur cette altérité, où sur le mystère de cet affrontement, il la cadenasse, la jugule... ça devient un face à face de sourd où son geste cinématographique écrase toute altérité possible sur son passage.
Tom a écrit:
mais je me demande si des Pallière a vraiment envie de nous faire ressentir et partager la rage de son personnage, plus occupé qu'il est à la conceptualiser, à l'interroger, à la """poétiser""" (entre 36 guillemets parce que ça reste vraiment sec : il reste que le tout dernier plan fonctionne sur ce principe-là, sur la beauté de l'absurdité de la lutte, plus que sur une identification à la tragédie du personnage).
Pourtant la beauté de l'absurdité de la lutte ne peut être racontée sans la tragédie du personnage. Le récit lui-même s'appuie fondamentalement dessus. Au plus j'y pense, au plus je me dis que le film est une grosse hésitation : entre vouloir l'identification au personnage (ou à son idée) pour le spectateur, tout en nous refusant les moyens d'y parvenir, inversément, il cherche à interroger et poétiser son idée, tout en se refusant les moyens d'y parvenir (par l'acharnement du parti-pris de mise en scène minéral et ultra-matérialiste contre le récit). C'est étrange cette façon de tout mettre en place pour un créer un affrontement et un conflit et puis de tout retenir.

Tout ça est très théorique, mais l'opacité du film dans son propos me pousse à ça. J'ai presque envie de dire que c'est comme si des Pallières s'était lui-même tellement identifié à l'idée vague de son personnage que son film devient une lutte absurde entre le récit et son parti-pris de mise en scène qui n'ont rien à se dire... En ce sens, le film se fait bien miroir du regard que des Pallières pose sur le combat de Kolhaas - entreprise vaine et absurde, mais dont il ne peut se passer. des Pallières raconte bien la logique de cette lutte absurde, mais il ne cherche pas à poétiser et interroger l'expérience de cette lutte mystérieuse. Il la constate. Et c'est ce que je trouve vraiment dommage. Peut-être que ce qui fait subsister le film pour moi, c'est que ce constat froid est inscrit dans un univers d'une beauté ahurissante...
Bon, je crois que je me répète un peu mais je suis fasciné par cette sorte de court-circuit qui semble s'opérer, fasciné que des Pallières puisse pousser son concept jusqu'au bout, aller au bout de la lutte vaine, de sa beauté sans se pencher davantage sur son mystère. Reste un goût inabouti et bancale.
Je crois que j'ai très envie d'aimer le film sans y parvenir, en fait.


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MessagePosté: 24 Oct 2013, 11:02 
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Harry White a écrit:
Tom a écrit:
Je suis de plus en plus convaincu que Des Pallières a besoin d'une altérité, de quelque chose de profondément étranger à son cinéma (ou pour être plus précis : d'étranger à la caricature du cinéma d'auteur français), pour que son talent s'épanouisse complètement.
C'est vraiment le noeud du problème de Kolhaas. Je ne connais pas bien des Pallières donc je ne sais pas pour ces autres films, mais ce qui est étonnant, c'est que dans Kolhaas, il semble amener une altérité, la vouloir, en amenant des éléments qui pourraient bousculer la puissance de son cinéma (Mikkelsen, récit ample et dramatique qui poussent les personnages vers une possible expression humaine et terrestre par opposition à une expression idéologique) mais des Pallières se montre inébranlable... Envie de l'altérité, mais peur en même temps ?

C'est pas tant de la peur, je pense, que le fait que son cinéma (comme celui des modernes les plus hardcore) est un cinéma soustractif : il se définit et dessine sa personnalité par ce qu'il refuse ou omet (même si dans presque tous les autres films de Despallières il y a un élément additif qui le rend plus abordable : le récit en voix-off ici absent). L'altérité elle est là en l’occurrence : film d'époque, film à costume, grande star, grand paysages, grande vengeance... Ce qui fait que son geste cinématographique se dessine beaucoup plus nettement, que son cinéma à de la roche à tailler, un imaginaire culturel commun fort à travailler. Mais je pense pas que le but à la base, en ce cognant au genre, soit de faire des compromis ou de s'y fondre.

On pourrait prendre beaucoup d'exemples du genre : Tarkovksi et la SF pour Solaris (pas vu), Denis et le film d'horreur pour Trouble Every Day...

Harry White a écrit:
Je crois que j'ai très envie d'aimer le film sans y parvenir, en fait.

Ah bah c'est un bon résumé de la filmo de Despallières ! :D


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MessagePosté: 09 Jan 2014, 13:38 
Typiquement le genre de film qui provoque chez moi un sentiment ambivalent, à mi-chemin entre l'émerveillement et l'agacement.

Emerveillement devant la pureté de la mise en scène dans sa captation du réel, de la lumière, des couleurs, des bruits ; agacement devant l'aridité du propos et le manque de naturel de certaines scènes.

Impossible à noter, de 1 à 5 selon les moments.


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MessagePosté: 09 Jan 2014, 13:43 
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Un vrai film BMC.

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MessagePosté: 09 Jan 2014, 13:44 
Un BEC plutôt : beau ET chiant


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