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MessagePosté: 23 Aoû 2020, 20:20 
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A la fin de la guerre de Sécession, le Major Amos Dundee (Charlton Heston), un être à la fois rigide et désabusé, aussi autoritaire qu' empli de doute, dirige d'une poigne de fer un camp militaire pour captifs sudistes. Un des gradés prisonniers, Tyreen (Richard Harris, excellent) est un ancien ami de Dundee, formé avec lui à West Point, auquel l'oppose à la fois le contentieux politique nordistes-sudistes et une querelle d'honneur plus confuse liée à un duel et un jugement en cour martiale. Tyrreen est plus raffiné et plus sûr de lui que Dundee. On devine que Dundee ne s'est pas engagé au Nord à cause d'une conviction anti-esclavagiste ferme, mais plutôt parce que c'était le camp qui lui paraissait le plus homogène poitiquement, cet opportunisme accroît la rancoeur de Tyrreen.
La région est ravagée par une tribu Apache, les Chariba, qui au début du film a décimé de manière très violente un village, ne laissant aucun survivant (Peckinpah filme alors la guerre moderne), hormis les enfants mâles qu'elle a kidnappés. Après avoir menacé de le pendre suite à une tentative d'évasion, Dundee se réconcilie avec Tyreen pour constituer une armée de fortune et traquer les Chariba. C'est aussi pour Dundee une opportunité de laisser la prison derrière lui, de combattre plutôt que gouverner, comme si les deux charges s'excluaient. La troupe est composée de camps rivaux et antagonistes : nordistes zêlés et bien équipés, ex-prisonniers sudistes au tempérament de mercenaire espérant indifféremment une grâce ou une occasion de vengeance, éclaireurs cow-boy manchots (James Coburn), Apaches rivaux des Charibas mis dans la position risquée d'informateurs, ainsi que les soldats noirs nordistes du caporal Aesop (Brock Peters) qui demandent de monter au front , sentant que cette bataille promise en marge du conflit peut en faire des sujets plutôt que des enjeux.
Suite à d'irrésumables péripéties, l'armée de Dundee, harassée et affaiblie par les tactiques de guérilla des Apaches, va franchir les frontières du Mexique. L'objectif initial va alors se diluer et se modifier, Dundee délaissant la traque des Apaches et la rescousse des enfants (rendus par les Apaches) pour se ranger du côté de paysans nationalistes mexicains persécutés par les troupes les troupes françaises envoyées par Napoléon III pour soutenir Maximilien. En traquant les Apaches, il va lui-même être pourchassé par la cavalerie française. Dundee va par ailleurs être blessé et (littéralement en même temps) tomber amoureux, sans que cela soit entièrement réciproque, d'une noble autrichienne déchue passée elle-aussi du côté juariste. Groggy et en proie au doute, il va délaisser le commandement militaire de la troupe qu'il a pourtant envoyée dans cette expédition lointaine.


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Je crois que je n'ai pas beaucoup d'affinités avec le cinéma de Sam Packinpah, mais j'aime beaucoup les films qu'il a tournés au Mexique, comme celui-ci et Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia. Avec ce décentrage, la question de la représentation de la violence reste toujours centrale, mais est alors traitée de façon plus libre, plus subtile et avec moins de systématisme et raideur doctrinale. J'ai été plus fortement impressionné par ce film, confus, mais lyrique, que par la Horde Sauvage. Major Dundee est n grand film malade (qui devait durer initialement 4 heures), porté par Charlton Heston (qui ajoute à son rôle une dimension masochiste étonnante, rarement vue au cinéma) et un excellent Richard Harris. L'histoire , certes un peu confuse, n'est pas sans affinité avec Moby Dick ou avec les romans de Conrad (ce sont les références du Nouvel Hollywood, que le film anticipe). Au début de la traque j'éprouvais une certaine fatigue, comme si le film me révélait malgré lui la vieillesse de la puissance d'illusion du cinéma : ces Mexicains veilissants et grimés ne peuvent pas être les sanguinaires Apaches, ces chevaux fatigués les instruments d'une poursuite épique et sans cause, cette petite rivière que l'on franchit à gué, l'Achéron infranshissable mais dûment cartographié marquant la transition entre les origines de et l'ère moderne. Et pourtant à un moment nocture, le film bascule, part en roue libre, abandonne la mythologie pour se concentrer sur l'analyse encore plus mystérieuse des psychologies.
Le chef indien relâche et épargne les enfants (annulant de lui-même ce qui place le film dans la continuité de la Prisonnière du Désert de Ford, décidant de commencer un autre film avant l'achèvement du récit initial) , mais la guerre continue quand-même : les Yankees sont bien obligés de s'avouer que la légitimité est du côté de leur ennemi (Pourquoi nous attaquent-ils ?Ils sont chez eux et après tout cela suffit), mais l'invitation au combat persiste. Simplement la défaite est alors envisageable, elle a même plus de sens, plus de rationnalité que la victoire. Ce qu'elle changera pas chez Dundee est d'ailleurs directement l'humanisme, une justification, que l'on connaît mais qu'on contraint l'autre à énoncer le premier. La seule attente concerne le fait de la reconnaissance morale de l'autre, mais pas son contenu : cette reconnaissance est le masochisme lui-même, le moteur d'une situation où on ne peut pas reconncer à la violence car elle suture, douloureusement, la conscience qu'on a de soi. Dundee est contraint de rester au commandement, de mettre en oeuvre la vengance violente qu'il a planifiée mais qu'il sait maintenant absurde, car perpétuellement devancé par le regard de son ennemi, s'étant cru à tort pendant un moment à la source d'une communauté dont il sait à présent qu'elle peut exister sans lui, renoncer à la violence serait en même temps renoncer à la conscience de soi.

Le film n'est ni un western pro-indiens et pro-noir (il ya une scène extrêment compelxe avec Brock Peters), c'est plus réaliste et plus ambigu que cela : il se place du côté d'un rapport de domination qui reconnaît la légitimité et la valeur de ceux qu'il oppresse. Il ne peut alors être le droit, il est en deuil du droit (et le film est la représentation de ce deuil), dominant il reste pourtant marqué par une éthique de l'obéissance . L'autre n'existe pas pour lui avant qu'il n'énonce la justice, que lui seul peut par ailleurs énoncer. Dundee comprend que ce qui est justice pour les Indiens, les Dudistes et Aespo correspond pdirectement pour lui à une douleur physique, il n'y pas de négociation ni d'intermédiaire symbolique. Il ya une scène superbe où Warren Oates joue un déserteur sudiste, revenu dans la village mexicain. En se justifiant, il trahit le fait que Tyrreen connaissait la situation du village méxicain avant que le film ne débute, ayant peut-être orienté à dessein Dundee dans cet endroit pour annuler toute la traque, le leurrer. Dundee décide que Oates doit mourrir, mais seul Tyrreen, qui couvre Oates, est en mesure de le tuer, en tant que chef sudiste. Dundee décide mais ne se salit pas (le film est un grand film existentiel et politique). Les scrupules de Dundee sont des tâches aussi tenaces et indélébiles que la mise à mort elle-même. Lorsque Dundee prononce le verdict, il est brusquement filmé de dos . Les cavaliers sudistes font face à la caméra, Oates entre eux et notre regard, est invisible : la justification est ce qui ne se liquide pas, se conserve, c'est elle qui fonde en fait la morale, c'est le sens des Mains Sales. L'introduction d'un enjeu moral dans cette violence débridée suspend la fiction et fait basculer en film dans la captation brute du réel, un témoignage face à des corps. La morale est l'objet d'une o
phénoménologie immédiate, c'est une présence physique brute et nue au sein d'une mythologie inachevée. Il y a une scène magnifique, où Santa Berger, qui joue l'Autrichienne, dit bizarrement au milieu du film en français à Charlton Heston Je vous ai rendu faible alors que vous deviez rester fort, comme si la part la plus précise mais aussi la plus abstraite de la morale du film ne pouvait être dite que dans la langue de l'ennemi...
A la fin du film, Dundee rusé, ayant organisé le sacrifice de Tyrreen pur lui, survit et retourne dans le camp de prisonnier. Le pouvoir est humilié se maintient, son nihilisme est une tactique retorse de conservation : changer soit ses désirs soit son identité pour rester le maître, et revenir défait dans un chez soi intact.

Ce que je dis est terriblement abstrait, mais le film est vraiment bien. Le duel Charlton Heston- Richard Harris est anthologique (la réplique de Heston sur les origines irlandaises et le complexe social de Harris qui lui masque le racisme du Sud :shock: ).

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


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