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MessagePosté: 30 Mar 2014, 12:26 
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Brrrr Zinzolin... :?

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 12:28 
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Si on quitte les actuels, je suis en pleine découverte des écrits d'Eisenstein et je bondis partout de joie enfantine :)

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 13:03 
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Guy Astic est le directeur de la collection Rouge Profond (qui édite le livre de berthomieu), j'avais lu son ouvrage sur Lynch et plus particulièrement Lost Highway, Le Purgatoire des Sens, mais plus beaucoup de souvenirs, sinon une perspective analytique et référentielle assez proche du Thoret de son livre sur Argento (ce n'est pas question d'inaccessibilité qui ne me parle pas trop, c'est plus le côté très important qu'y prennent les références esthétiques / psychanlaytiques, où la dimension plastique rejoint tout de même toujours quelque chose d'intellectuellement très défini en amont, voir les références nombreuses à Bachelard dans le Argento de Thoret notamment que je trouve assez lourdes).

Après je ne recherche pas une "théorie claire et tranchante" du cinéma, je pense même que c'est assez vain. Je suis plus frappé par des auteurs qui vont par moments réussir à investir une démarche esthétique en investissant la nature de celle-ci et de ses émotions, restent également ouverts sur des perspectives qui sortent du cinéma et de l'art en eux-même comme objet fermé (mais c'est assez récent, depuis la lecture de certains philosophes notamment, avant j'ai clairement aussi essayé de lire et de me persuader des possibles de cette écriture et critique du ciné, pour retranscrire ma passion)...
Il y a quand même pas mal de dissection et circonvolutions verbeuse, même accessibles, et un référentiel en forme de collier de perle s'appuyant sur beaucoup de systèmes pré-établis... pour créer souvent un "propre" système recomposé.

Ce qui dans l'analyse de The Big Shave là, c'est quand même un peu basique non? Avec un "concept ("régime de représentation"), qui mériterai d'être défini (je ne sais pas s'il le fait auparavant), sinon il n'est que du flou (pour peu qu'on apprécie ce genre de concepts).

The Big Shave confronte deux régimes de représentation. Un régime pastichant le cinéma classique (première partie : propreté, idéalisation, hygiénisme) et un second, dépositaire du cinéma à venir, dont la tranchante irruption est marquée par la première entaille. La dévoration progressive d’un régime (associé au blanc) par l’autre (associé au rouge) permet de mesurer, d’ouvrir plutôt, l’écart esthétique (la plaie ?) dans laquelle s’engouffreront les cinéastes du Nouvel Hollywood

Ensuite on sent bien chez Thoret l'idée de faire intervenir le corps ou la myhologie dans son style, faire des analogies incessantes pour "donner chair" à l'intellect...

L’unité de l’homme déjà disloquée par un montage atomisé qui n’offre de lui qu’une image parcellaire, un corps déjà en lambeau :mrgreen: ??


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 13:35 
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Allez, continuons.


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Jérôme Momcilovic
Responsable de la section cinéma et critique à Chronic'art.
Professeur à l'ESEC, programmateur au festival de Belfort de 2008 à 2012, à La-Roche-sur-Yon à présent.



Là encore, quelqu'un dont on a déjà eu l'occasion de parler, et je laisse Léo ouvrir la danse :
Léo a écrit:
Je ne le supporte pas. Il est obsédé par un truc: "ce que le film essaie de te vendre". J'avais remarqué ça. C'est débile. Je ne suis pas certain que la paranoïa soit une bonne boussole pour voir un film. Par ailleurs il est arrogant et efféminé.

Sacré Léo. Bon, j'ai pas vraiment remarqué la question soulevée ici, mais c'est fort possible, je ne suis pas ses textes à la trace. Momcilovic est pour moi l'un des très, très, trèèèèès nombreux rejetons de Daney, qui pullulent actuellement dans la critique française, et qui se caractérisent par plusieurs points : violence volontaire des textes, confiance dans le tranchant de sa propre subjectivité plutôt que dans la froide démonstration logique, films abordés sous l'angle éthique, réticence face aux consensus critiques, absence d'ouvrages théoriques mais une définition du cinéma qui se constitue peu à peu par la liste des films honnis et la façon de les rejeter...

Si les Cahiers des années 2000 étaient la panacée de cette lignée là, c'est vraiment à Chronic'art qu'elle est arrivée à son point extrême, tous rédacteurs confondus. Pour reprendre deux exemples chez Momcilovic (j'avais déjà cité le premier ici), qui le relient non seulement à Daney mais aussi aux grands-papas, c'est à dire Truffaut ou Rivette :

Momcilovic, à propos de "La Rafle", a écrit:
Autant dire qu'on avait compris qu'au baromètre Kapo de l'abjection, ce film-là avait décidé de battre des records. (...) Parce que le film voit grand, ce n'est pas un travelling mais un plan-grue, au moment où les familles sont concentrées dans le vélodrome. Alors la caméra, doucement, quitte les personnages, s'envole, découvre le décor dans son immensité et avec lui le nombre des Juifs raflés. Idée ignoble, parce que dans un seul mouvement elle vient signifier, deux fois, le travail bien fait : indissociablement, celui de la police vichyste, et celui de l'équipe déco du film.

(...) En commençant et surtout en finissant dans les yeux de Nono (Nono qui survit, évidemment, et que l'on console avec un gros câlin), le film n'affronte la Shoah qu'en la peinturlurant en vilain cauchemar, à oublier vite en serrant fort le nounours de Nono.

(...) Le film s'ouvre sur des images d'archives de Paris occupé tandis que, off, braille Piaf ou un équivalent. (...) Ce film dit à peu près ça : que la vraie barbarie nazie, au fond, c'est moins la Shoah, que le mauvais goût qui fut le sien de venir troubler l'ordre pépère du Faubourg 36. Il se clôt là où il avait commencé, au pied du carrousel où, parce que l'étoile jaune a disparu des gilets, Nono va pouvoir grimper à nouveau. Sur le manège, prêts à commencer un nouveau tour et lettre de Guy Moquet en poche, Les Choristes l'attendent. Banalité du mal, souveraineté du nounours.


Ou, pour prendre un exemple moins directement Daney-sien :
à propos des "Amours imaginaires", a écrit:
Et si la jeunesse de Dolan est un problème, c'est parce qu'il a bien compris qu'elle est son meilleur atout, qu'il lui faut en faire commerce pour séduire les généreux jurés de son grand oral de cinéma.


Cela dit, au-delà la colère un peu poseuse, il y a déjà dans le premier exemple ce que j'adore chez Momcilovic, et qui le détache de la plupart de ses collègues de Chronic'art ou d'ailleurs : la précision. L'exact inverse justement de ce que fut l'écriture très impressionniste de Burdeau (un autre descendant de Daney...), qui avait quelques vraies idées mais noyait le poisson dans le foutoir insoluble de textes évasifs.

Il y a chez Momcilovic quelque chose de très lié à la peur de se faire avoir par les évidences (même s'il a pas écrit dessus, ça me rappelle ce qui s'est passé chez certains critiques au moment de There Will be blood : "Est-ce que c'est vraiment une "grande fresque" ? Est-ce que c'est vraiment ça qu'on ressent ?"). On a donc des textes qui tentent de faire une totale confiance au micro-ressenti devant le film, de le capturer, de l'isoler, d'en observer les contours (ce qui en fait déjà une sacrée exception), mais ensuite de le comprendre dans sa logique pour l'expliquer, le démontrer, en faire une vérité objective partageable pour tous (et c'est là où je trouve qu'il est foutrement tout seul sur la scène critique actuelle).

Par exemple, sur le dernier Lars Von Trier. Ressenti commun (donné, lambda) : c'est provocateur. Ressenti critique plus pointu : cette provocation est dérisoire, c'est impuissant. Ce serait une première partie de son texte :

à propos du premier volet de "Nymphomaniac" a écrit:
À la langue de l'émotion (et donc du cinéma), qui lui reste désespérément étrangère, LVT a toujours été contraint de substituer l'espéranto du scandale (compilant les signaux d'une subversion qui ne choque plus aucun bourgeois depuis les années 80 – coucou les symboles nazis, salut les bites turgescentes en gros plan) et la grammaire de l'ironie. Tout comme il ne lui reste, puisque l'émotion manque pour faire raccorder ses récits, ses plans, que le pis-aller de l'analogie, culminant ici dans le dernier segment du film, habile illustration publicitaire cherchant en trois tableaux conjoints à faire, via un prélude de Bach, la synthèse du tourment de son personnage. Le segment est agréable à l'oeil (LVT reste un imagier très efficace), et ce pour le même résultat qu'une publicité réussie : frisson indéniable donné par le savoir-faire, tristesse et ridicule provoqués par sa vanité.

Et il y a aussi cette autre dimension, qui lui est propre, et qui consiste à aller mettre le doigt beaucoup plus exactement, précisément, sur ce que ce film a de différent :

à propos du premier volet de "Nymphomaniac" a écrit:
Ce qui a changé, c'est que LVT lui-même ne semble plus dupe de cette vanité. L'ennui profond, l'impuissance, qui fondent son drame depuis le début et dont ces derniers films font le diagnostic, paraissent avoir remonté à la surface en une sorte de lucidité triste, et d'ironie dirigée désormais vers son propre style. Quand il se lançait le défi, pour le moins courageux dans son cas, de réaliser des mélos (Breaking the waves, Dancer in the dark), l'émotion introuvable finissait fatalement compensée par un sadisme rageur : il fallait que les personnages payent pour sa propre impuissance. Dans le premier volet de Nymphomaniac, la rage est annoncée d'emblée et en même temps tout de suite vidée de son sérieux, traitée presque comme un gag les lourdes basses de Rammstein déposées sans délai sur des plans presque vides, en un signe de reconnaissance qui confine au clin d'oeil comique ; le teaser final trop énorme pour ne pas faire sourire). Et si la pompe refait surface (le segment ridiculement glauque de la mort du père), l'ironie, elle aussi, n'a jamais paru si légère, si peu revancharde : la traditionnelle poche de satire de la bourgeoisie, reconduite dans presque tous ses films, donne lieu ici au meilleur segment (l'irruption de la famille d'un amant de la nymphomane, avec une excellente Uma Thurman), une pure farce sans enjeux au milieu d'un film capable globalement d'être assez drôle.


Je sais pas si c'est le meilleur texte pour s'en rendre compte (c'est un des récents que j'avais en tête, j'ai pas le temps d'aller chercher plus loin là), mais pour ça je le trouve indispensable dans le paysage critique actuel. Pour la façon dont on arrive à suivre une pensée claire, sans enfumage, qui va de A à B (suffit de comparer aux actuelles critiques des Cahiers pour voir en quoi c'est hautement précieux), mais qui ne s'empêche pas pour autant d'aller touiller les films dans le détail, de les traquer jusqu'à avoir mis le doigt sur ce qui les caractérise exactement.

Pour le reste, ça reste un critique, qui ne fonctionne qu'à l'article, même si en alignant ses articles sur un même réal, on peut souvent déduire une pensée convaincante sur ceux-ci qui peut être utile pour la recherche (c'est visible sur Wes Anderson, par exemple) : il arrive généralement bien à déceler un fonctionnement, une cohérence, des récurrences. Il n'y a néanmoins pas vraiment de théorie générale qui émerge de ses textes. J'ai davantage l'impression d'un mec qui tient le flambeau de la rigueur critique, en attendant l’émergence d'un théoricien qui ait une véritable vision, globale, à proposer sur le cinéma actuel.


Chow je viens de voir ton message, je te réponds en détail tout à l'heure.


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 13:47 
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Je trouve que mélanger les théoriciens et les critiques dans le même sujet ne lui rend pas justice.
Pour moi Momcilovic est un pur critique qui parle de films comme objet culturels et non de cinéma comme objet conceptuel (en tout cas concernant son travail pour Chronic'art, je sais pas ce qu'il a pu écrire à part ça). Ce sont deux choses qui n'ont rien à voir. Par rapport à Thoret (par exemple et pour citer un contemporain) j'ai pas du tout l'impression qu'ils font le même travail. Là tu parles de la "pensée claire" du mec mais elle est uniquement posée sur un film, elle ne s'adapte pas, ne se conforme pas à l'entièreté d'un corpus filmique, d'une école ou même simplement d'une esthétique. Dès lors je ne vois pas l'intérêt de les faire cohabiter, des les confronter.
Outre par ailleurs le fait que je trouve absolument pas Momcilovic indispensable à qui que ce soit.

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 14:19 
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Tom a écrit:
Le truc qu'il faut vraiment comprendre, c'est que la théorie ciné, à part dans certaines approches sociologiques, ne raisonne vraiment pas du tout en terme grand public / pas grand public. Elle raisonne en terme de cinéastes, de genres, de lignées. Si un bouquin sort sur les mutation de la comédie dans les années 2000, elle ira autant étudier Elia Suleiman qu'American Pie

Mais justement, ce bouquin, avec un démarche théorique sur le cinéma populaire du moment, n'a pas vu le jour. La frontière avec le cinéma grand public du moment n'effraie peut être pas les théoriciens du cinéma, du moins officiellement, mais ils se comportent comme si c'est le cas. Du moins j'ai toujours eu cette impression avec les textes que j'ai croisés. Je me trompe ? Si j'ai vu juste, le respect de fait de cette frontière est étrange. Pourquoi déployer tant d'énergie sur un cinéma vu par peu de gens et ignorer celui qui remplit les salles ?

Tom a écrit:
rotary [Bot] a écrit:
Par 'grand public actuel', je pensais par exemple à la comédie américaine grand public des années 90 et 2000, ou, sur la même période, du cinéma d'action, de la SF... Hors critiques de magazines, il y a des théoriciens qui se penchent sur ce cinéma ? Si oui, je veux bien quelques références. Ça m'intéresserait de voir sur quels concepts ils se lancent.

Je peux difficilement te répondre, ayant pas fait de recherches récemment sur des choses liées à ça... Années 2000, c'est sans doute un peu trop tôt pour avoir beaucoup d'ouvrages (faut un peu de recul), tu trouveras plus de choses dans les revues théoriques, ou dans les mémoires ou thèses toutes fraiches... La comédie doit y avoir des trucs, au moins sur Apatow (tu vas me dire, c'est pas grand public).

Pour le reste, j'ai pas eu l'occasion de rechercher dessus, je peux difficilement te donner les références : la seule chose qui me vient en tête, c'est le récent pavé de Berthomieu (Hollywood, le temps des mutants), même si je l'ai pas encore lu (a priori c'est sérieux). Je te redis si je pense à un truc.

Merci

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 14:54 
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Momcilovic pour moi c'est le mec qui tire des balles à blanc tautologiques sur des ambulances qu'il serait bien plus efficace d'ignorer. Leur donner de l'importance comme ça, c'est leur faire trop d'honneur. À part lister des évidences, avec certes un peu d'esprit (école Chro, quoi), je ne sais pas ce qu'il fait. Et je trouve que ta présentation est terrifiante sur un point : il ne semble se définir qu'à travers ses haines, ses indignations, on ignore où est pour lui la beauté, la modernité, la grandeur finalement.

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Dernière édition par Zad le 30 Mar 2014, 15:34, édité 1 fois.

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 15:05 
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Encore merci Tom, je redécouvre ça : http://www.rouge.com.au/2/index.html

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 15:21 
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Mr Chow a écrit:
sinon une perspective analytique et référentielle assez proche du Thoret de son livre sur Argento (ce n'est pas question d'inaccessibilité qui ne me parle pas trop, c'est plus le côté très important qu'y prennent les références esthétiques / psychanlaytiques, où la dimension plastique rejoint tout de même toujours quelque chose d'intellectuellement très défini en amont, voir les références nombreuses à Bachelard dans le Argento de Thoret notamment que je trouve assez lourdes).

Ah mais pour le coup je te rejoins sur le bouquin Argento, que je n'ai fait du coup que survoler, c'est médiocre et très brouillon, et effectivement bourré de renvois théoriques (parce qu'il voulait je pense maladroitement légitimer le cinéaste en l'anoblissant de références à foison). Mais ça reste une exception, il me semble, dans ses travaux. Son gros bouquin somme, Le cinéma américain des années 70, en est quasiment dépourvu.

Mr Chow a écrit:
Il y a quand même pas mal de dissection et circonvolutions verbeuse, même accessibles, et un référentiel en forme de collier de perle s'appuyant sur beaucoup de systèmes pré-établis... pour créer souvent un "propre" système recomposé.

Je vois, mais je comprend pas en quoi c'est un problème, en fait. L'idée d'une théorie limitée aux strictes frontières du cinéma ne me gêne pas (ou alors j'ai mal compris ce que tu voulais dire ?), et ça me semble sain de fonder ses théories sur le matériel de recherche déjà existant, tant qu'on a un regard critique dessus et qu'on y fait un tri (chez lui ça se ressent notamment via la crise de l'image-action de Deleuze, où il trouve les outils pour recoudre sa perceptions des années 70 aux USA avec la théorie générale du ciné : ça lui donne juste une rampe de lancement à ses recherches, mais ses écrits ne s'y limitent pas).

Mr Chow a écrit:
Ce qui dans l'analyse de The Big Shave là, c'est quand même un peu basique non? Avec un "concept ("régime de représentation"), qui mériterai d'être défini (je ne sais pas s'il le fait auparavant), sinon il n'est que du flou (pour peu qu'on apprécie ce genre de concepts).

The Big Shave confronte deux régimes de représentation. Un régime pastichant le cinéma classique (première partie : propreté, idéalisation, hygiénisme) et un second, dépositaire du cinéma à venir, dont la tranchante irruption est marquée par la première entaille. La dévoration progressive d’un régime (associé au blanc) par l’autre (associé au rouge) permet de mesurer, d’ouvrir plutôt, l’écart esthétique (la plaie ?) dans laquelle s’engouffreront les cinéastes du Nouvel Hollywood

Ce passage est à mettre en relation avec celui-ci : "Non pas une salle de bains, donc, mais l’image d’une salle de bains qui entretiendrait avec la réalité, autrement dit l’organique dont on n’entrevoit aucune trace (pas de cheveux, pas d’ongles, pas de dépôts divers, pas de taches), qu’un rapport analogique idéalisé, un rapport de surface fondé sur la stricte signalétique propre au lieu (le lavabo, le miroir, la tuyauterie, etc.). "

Pour le coup je trouve que c'est l'idée du texte : justement que le concept n'est pas si simple que le petit retournement ironique auquel il semble se limiter (une salle de bain propre est salie), mais qu'il tient à un basculement esthétique - de régime de représentation, effectivement. On passerait d'une salle de bain approchée selon l'esthétique classique (où les objets sont non pas captés mais avant tout des représentations, des images théoriques renvoyant à une idée de la réalité - ce qui fait justement que le cinéma classique, visuellement, a toujours flirté avec l'abstraction) à une salle de bain considérée autrement (comme un espace réel qui peut être sali, tâché, qui a une matière, une réalité, qui n'est plus seulement un signe).

"Régime de représentation", je trouve le terme du coup plutôt adéquat.

Là où il y a un problème, c'est que cette esthétique classique, Thoret la considère uniquement depuis son cinéma des années 70, c'est à dire comme quelque chose de lisse (impuissante à figurer la réalité, comme une illusion fausse...) alors que c'est un système de représentation cohérent comme un autre (tout comme le carnage maniéré de la salle de bain en sang, et l'esthétique du bis plus généralement, correspondent à un système de représentation qu'on pourrait attaquer de manière toute aussi superficielle : c'est exagéré, c'est grotesque, c'est maniéré, etc). Mais il reste que ça a du sens : casser cette esthétique, c'est ce qui a du en partie motiver les cinéastes à cette époque (justement parce que, le monde alentours évoluant, on n'était plus capable d'y voir autre chose que du vernis ; on le voit chez les hollywoodiens tardifs, de Sirk à Fuller, chez qui ça devient très sensible).

Mr Chow a écrit:
L’unité de l’homme déjà disloquée par un montage atomisé qui n’offre de lui qu’une image parcellaire, un corps déjà en lambeau :mrgreen: ??

lol, je te concède que c'est un peu facile (quoique bon, il n'a pas tort : on découpe pas comme ça aux USA dans les années 60, et cette manière de monter dit aussi quelque chose...)


Dernière édition par Tom le 30 Mar 2014, 15:41, édité 1 fois.

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 15:29 
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Art Core a écrit:
Je trouve que mélanger les théoriciens et les critiques dans le même sujet ne lui rend pas justice. Pour moi Momcilovic est un pur critique qui parle de films comme objet culturels et non de cinéma comme objet conceptuel (en tout cas concernant son travail pour Chronic'art, je sais pas ce qu'il a pu écrire à part ça). Ce sont deux choses qui n'ont rien à voir. Par rapport à Thoret (par exemple et pour citer un contemporain) j'ai pas du tout l'impression qu'ils font le même travail. Là tu parles de la "pensée claire" du mec mais elle est uniquement posée sur un film, elle ne s'adapte pas, ne se conforme pas à l'entièreté d'un corpus filmique, d'une école ou même simplement d'une esthétique. Dès lors je ne vois pas l'intérêt de les faire cohabiter, des les confronter.

Je suis d'accord, ce sont deux approches différentes, mais par contre je ne trouve qu'elles soient aussi hermétiques que ça. L'apport théorique de Daney est constitué pour moitié de critiques de films... Thoret a déjà publié des bouquins sur un cinéaste (Argento) et sur un film unique (Massacre à la tronçonneuse) : est-ce si différent qu'une série d'articles de Momcilovic sur ce même cinéaste, en terme d'apport théorique ? Je sais personnellement que les deux pourraient me servir de base de recherche pour mon travail (et de fait, à la BIFI, tout le monde jongle entre l'étage des revues et celui des ouvrages).

Momcilovic et ses pairs ne proposent certes pas de vision du cinéma large, et ils sont un peu bloqués par le format critique (quand les Cahiers s'autorisent des articles), mais des idées générales sur le cinéma transparaissent dans leurs textes : quand, à propos de Man of Steel, il écrit...
Citation:
Le 11-Septembre au cube qui clôt Man of Steel révèle alors une autre impuissance : Hollywood, visiblement, estime n'avoir pas encore totalement repris à Al-Quaïda son leadership sur l'imagerie de la catastrophe.

... il me donne autant d'outils pour comprendre ce qui se joue dans la période qu'un bouquin théorique.


Je veux pas être aveugle à ce qui fait leur différence hein, je suis d'accord avec toi, mais je ne trouve pas la frontière entre les deux si fermée que ça (et aux Cahiers et Positif, la plupart des critiques naviguent entre la revue et des ouvrages à eux : en ayant rien publié, Momcilovic est en fait plutôt une exception).


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 15:38 
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rotary [Bot] a écrit:
Mais justement, ce bouquin, avec un démarche théorique sur le cinéma populaire du moment, n'a pas vu le jour.

Celui que je t'ai indiqué remplit ce rôle, et ce n'est sûrement pas le seul.

rotary [Bot] a écrit:
La frontière avec le cinéma grand public du moment n'effraie peut être pas les théoriciens du cinéma, du moins officiellement, mais ils se comportent comme si c'est le cas. Du moins j'ai toujours eu cette impression avec les textes que j'ai croisés. Je me trompe ?

Oui, vraiment. Ça n'a jamais été le cas. Quand la politique des auteurs naît aux Cahiers, dans les années 50, les deux cinéastes imposés pour l'asseoir sont Hithcock et Hawks, soit les deux grands cinéastes commerciaux et populaires de l'époque. Le scandale de la politique des auteurs, à la base (et de toute la théorie du cinéma qui en découle), est justement là !

Cette frontière populaire / pas populaire n'a presque de sens que dans le cadre d'une étude sociologique, déjà plus strictement liée au cinéma. Les théoriciens sérieux ont toujours considéré les films à égalité, ne discriminant que sur la qualité : si les Cahiers font 10 pages sur Titanic et une notule assassine sur la dernière comédie française à la con, c'est parce qu'ils considèrent que le premier est un excellent film et l'autre non - or ce sont deux films tout aussi populaires.

rotary [Bot] a écrit:
Pourquoi déployer tant d'énergie sur un cinéma vu par peu de gens et ignorer celui qui remplit les salles ?

Quand bien même on partirait de l'idée que cette découpe existe en critique (elle survit peut-être à Télérama and co, mais ce ne sont pas des textes théoriques), je pigerais pas trop cette remarque. On s'intéresse à ce qui est digne d'intérêt, on déploie de l'énergie pour ce qui le mérite. On peut observer les succès populaires indépendamment de leur qualité, là encore dans une optique sociologique, mais ça ne va pas nous apprendre forcément plus de choses sur le cinéma. Un exemple : le n°1 du box-office américain, en 1947, est un film nommé Welcome Stranger d'un certain Elliott Nugent. Qui s'en souvient ?


Dernière édition par Tom le 30 Mar 2014, 15:45, édité 2 fois.

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MessagePosté: 30 Mar 2014, 15:39 
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Zad a écrit:
Et je trouve que ta présentation est terrifiante sur un point : il ne semble se définir qu'à travers ses haines, ses indignations, on ignore où est pour lui la beauté, la modernité, la grandeur finalement.

Non, j'ai mis ça en avant pour signifier sa filiation avec une certaine école critique descendue de Truffaut-Daney, mais la majorité de ses textes concernent des films qu'il aime. Je ne suis pas du tout convaincu, personnellement, par l'argument du "il faut écrire uniquement sur ce qu'on admire". On apprend autant sur les mouvement du cinéma actuel en étudiant ce qui y est problématique que le contraire. Bien sûr, c'est aussi pour ces critiques une facilité, il y a beaucoup de pose et de complaisance dans tout ça. Mais l'intérêt des textes ne se résume pas à ça.


Pfffiou, 4 réponses.


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 17:08 
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Citation:
Le 11-Septembre au cube qui clôt Man of Steel révèle alors une autre impuissance : Hollywood, visiblement, estime n'avoir pas encore totalement repris à Al-Quaïda son leadership sur l'imagerie de la catastrophe.


Je suis surpris que tu prenne cet exemple là alors que l'on a beaucoup parlé de la résurgence du genre Super-Héros comme réponse fantasmée à la terreur du terrorisme international, ici même d'ailleurs.


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 17:09 
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Oui, mais en quoi est-ce incompatible ?


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MessagePosté: 30 Mar 2014, 18:05 
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Moncilovic, on a l'impression qu'il pourrait dire tout l'inverse si il aimait le cinéaste. Y'a quand même une forte odeur d'à priori qui font que ces papiers sont du vent. Et je suis d'accord avec Léo, il y a dans tout une partie de la critique une tendance à tomber dans une espèce de tambouille psychanalytique sur ce que le film est vraiment, ce qu'il révèle du cinéaste. Voir le critique, l'analyste, comme celui qui va révéler l'inconscient du truc...dans le but de se vendre, de se regarder le nombril.


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Delirium Tremens

3

1540

28 Oct 2005, 16:20

Stella Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Explorer les topics critiques du forum (en chantier...)

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Tom

86

15155

25 Mai 2015, 20:30

Tom Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Recherche de critiques du film Detective Dee : Le mystère de la flamme fantôme

scienezma

13

1265

12 Sep 2019, 03:16

scienezma Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les deux meilleurs que les uns ?

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Qui-Gon Jinn

51

5986

25 Juin 2018, 13:35

Le Cow-boy Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les meilleurs chef-opérateurs

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Tom

74

28065

16 Aoû 2012, 15:16

Z Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les meilleurs films de la décennie

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Karloff

99

8992

28 Fév 2010, 06:45

David Swinton Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le meilleurs et le pire du cinéma en 5min

El-woo

11

1409

03 Fév 2014, 19:01

El-woo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les 100 meilleurs personnages selon Premiere US

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2be3

16

4071

01 Mai 2006, 12:18

Tetsuo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les 500 meilleurs films de tous les temps...

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Film Freak

85

7000

30 Sep 2008, 22:54

Bub Voir le dernier message

 


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