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MessagePosté: 26 Oct 2020, 17:11 
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Dans l'Angleterre du XIVème siècle, des pèlerins se regroupent et cheminent ensemble du Nord de l'Angleterre vers Cantebury, faisant des haltes dans les villes, où ils se confondent avec la population. D'origines diverses, ils échangent des histoires pour animer le voyage. Ces histoires sont souvent scabreuses et truculentes, mettant en scène bourgeois, religieux, clercs, ribauds et étudiants. Pasolini adapte huit histoires parmi la vingtaine du recueil de Chaucer. Beaucoup d'entre elles trahissent un rapport lucide et robustement ironique par rapport aux choses du sexe, du travail, de la loi et de l'argent. Le sentiment de la faute ou de la chute apparaît relégué au second plan, et on a parfois du mal à distinguer le marché où l'on achète des victuailles, l'église, le château et le bordel; le minotier grugé de l'éphèbe glam-rock, ainsi que le père et l'ami. Mais le diable et la mort hantent ces récits, ils sont autant les spectateurs incrédules de l'injustice qu'ils n'ont pas causée (la société et le travail sont des nouveautés pour eux aussi), que des voisins avec lesquels on peut échanger directement. Ils nous compromettent dès qu'ils nous désirent.

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Béatrice Balle parle plutôt bien du film dans un Kombini (et tout à coup on voit ce qui rattache moralement Pasolini à Gaspard Noé) mais voit dans le film l'empreinte de Bosch là où, mis à part pour la représentation finale de l'enfer, il évoque plutôt Breughel, guère moins visionnaire, mais plus ancré dans une thématique sociale et nationale.

Il est en effet frappant de voir comment les situations et visions qui vont se retrouver dans Salo sont amorcées dans ce film, rattachées à la trilogie de la vie mais déjà travaillées par le doute. Qu'est-ce qui transforme la honte que l'on cache en pouvoir de mort que l'on exhibe? C'est le question qui taraudait visiblement Pasolini, comme le revers des années 1970.
Pasolini était sans doute rosseauiste, croyant en un homme primitif, pur (c'est à dire : à la fois inactuel et politique), pouvant formuler les enjeux de la l'histoire et de la morale avant de les expérimenter, et ne se compromettant que par rapport à ce qu'il savait de lui-même. L'intégrité morale se confondait avec l'impossibilité d'oublier l'origine, elle était forcément médiatisée par un affect.
Dans ce film, le discours du désir apparaît en même temps que les classes sociales se constituent, tous deux sont pareillement neufs, et pour Pasolini, tant que l'homme le sait, c'est que sa déchéance est encore à venir. De même, la lumière de la fin du monde dans Salo ressemble à celle du matin dans la campagne anglaise , cruelle, inviolée et pré-industrielle. Pasolini semble de décentrer et travailler à l'étranger pour transformer cette similitude en occasion d'un rapport technique à la morale, comme un dernier frein avant que ne se produise ce qu'il décrivait comme une corruption. On peut peut-être critiquer ce que Pasolini entend par corruption ; comme s'il y avait, entre l'innocence et la chute, une forme de généalogie aussi affirmée que celle que Nietzsche voyait entre la foi et le nihilisme. Elle charrie l'idée que l'on peut-être à la fois au-dessus de la veulerie morale et de la fatalité, et que dans le même temps le fait d'être pris dans l'histoire correspond à un désir : la passivité du juste ne peut être que secrète. Le fait de tourner ailleurs qu'en Italie est aussi une manière de s'y confronter, elle est dévoilée à la fois par la pointe de la fable et encore contenue par la surprise du dépaysement.
Le film est toutefois d'une grande force et beauté, par moment aussi très drôle. On se rend compte que Pasolini filme très bien, de manière très singulière, passant progressivement de plans à l'épaule qui donnent une impression de présent étonnante dans le décor de l'Angleterre tudorienne, à des scènes beaucoup plus amples et visionnaires, comme dans le bordel ou l'enfer final. Le contre-jour pendant l'épisode des trois larrons qui rencontrent la mort et se tuent mutuellement (le poignard des uns neutralisé par le poison de l'autre) est magnifique et terrifiant.

C'est aussi une des bande-originale les plus singulières d'Ennio Morricone.

Et : http://www.movie-locations.com/movies/c ... s-1972.php

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

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