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 Sujet du message: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 01 Déc 2008, 23:11 
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Evocation de l'assassinat du président John F. Kennedy. Evocation qui remet en cause le rapport Warren et penche pour la thèse du complot, défendue par le procureur, Jim Garrison.

Voilà, enfin vu ce film grâce à Mister Zob. En Blu Ray sur vidéoproj FullHD au passage, qualité d'image hallucinante.

Spoilers légers.

Bon ben j'ai bien kiffé. C'est bourré de défauts mais le film marche sur moi, c'est captivant du début à la fin. Et puis on comprend tout en plus. Rien que ces deux points, ce sont des exploits.

Au niveau de ce qui m'a "gêné", je dirais que principalement, on a parfois plus l'impression de voir un excellent docu-fiction qu'un film avec des personnages qu'on prend le temps de nous présenter et qui existent vraiment. Là, chaque homme ou femme dans le film ressemble plus à un pion qu'autre chose. Ya bien quelques scènes de ménage entre Costner et sa femme, mais c'est quand même mal écrit (très cliché surtout) et pas super bien joué dans ces moments là je trouve.

Il y a ces deux moments de gavage dans le film : la scène avec Sutherland (J'adore la réplique de Costner étonné de voir ce genre de complot "de nos jours", enfin je crois bien que c'est dans cette scène), et le plaidoyer final, intense, génialement monté. D'ailleurs, le monteur est un fou de guedin. Gavage intégral. Sauf peut être sur des trucs trop bourrins, genre dans les images d'archives au début, le son de coup de feu, mwaifffff, c'est fin... D'ailleurs le film est plein de trucs gras comme ça, très Stoniens : le sale travelling avant sur l'étonnement de Costner face à l'annonce de la mort de JFK au début, les sales plans qui saccadent et qui sont flous là, jsais plus comment ça s'appelle (histoire de diaphragme ou vitesse d'obturation, un truc du genre), bref, plein de trucs pas très classes.

La gestion de l'espace est aussi impeccable : à l'issue du film je connais les lieux de l'attentat par coeur, je sais où était chaque personne. C'est assez fort de ce côté là aussi.

Ensuite, le truc qui rend ce film particulièrement intéressant, évidemment, c'est qu'on nous parle non pas de devoir de mémoire, mais surtout de devoir de découvrir la vérité. Ce message adressé aux générations futures, comme si ça donnait une vraie utilité concrète au film, ça a bien marché sur moi. J'imagine que yen a pas mal pour clamer que Stone part dans ses délires et essaie de ramener tout le monde à sa cause (la démarche me fait légèrement penser à ce qu'on peut voir chez Michael Moore), et que ya bien des gars pour sortir le joker "MMmhmhmhmh... DEMAGO !", mais personnellement, je marche à fond.

Un dernier mot sur l'utilisation des multiples formats d'images : maitrisé à mort. La classe totale. Autant Natural Born mescouilles m'était passé au dessus de la tête, autant JFK m'a impressionné sur ce point.


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MessagePosté: 02 Déc 2008, 00:38 
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 Sujet du message: Re: JFK (Olivier Stone - 1991)
MessagePosté: 02 Déc 2008, 00:40 
Olivier Stone? Je préfère encore Olivier Pierre.


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 Sujet du message: Re: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 02 Déc 2008, 00:53 
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deudtens a écrit:
Il y a ces deux moments de gavage dans le film : la scène avec Sutherland (J'adore la réplique de Costner étonné de voir ce genre de complot "de nos jours", enfin je crois bien que c'est dans cette scène), et le plaidoyer final, intense, génialement monté. D'ailleurs, le monteur est un fou de guedin. Gavage intégral.


Pietro Scalia, Oscar sur-mérité pour ce film, le film n'ayant pas à proprement parler une narration conventionnelle, il lui doit énormément...


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 Sujet du message: Re: JFK (Olivier Stone - 1991)
MessagePosté: 02 Déc 2008, 09:44 
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Jericho Cane a écrit:
Olivier Stone? Je préfère encore Olivier Pierre.

:?:

Je ne l'ai plus revu depuis un bail, mais sa puissance m’est restée gravée en mémoire. J’ai très envie de le revoir. Je vais voir s’il existe une belle édition DVD.

En tout cas il s’agit d’un des films avec lequel mon père nous bassinait mon frère et moi, quand nous étions jeunes ados. On répondait “c’est ça, c’est ça, ouais, ouais..” Puis quand tu le vois tu te prends la claque de ouf.

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MessagePosté: 02 Déc 2008, 09:47 
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Un de mes films préférés de tous les temps où j'adore absolument tout.

Les enjeux, la photographie extraordinaire de Richardson, le montage de Scalia, l'intelligence touffue du scénar, les mots que Stone met dans la bouche de Costner, la performance de Costner, la juxtaposition du privé et du public (moi j'adore les scènes de ménage chez les Garrison), la perte de l'innocence, l'audace de certains parti-pris visuels, le casting tout entier, la zik de Williams, l'ambition du projet...

Une merveille absolue.

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MessagePosté: 02 Déc 2008, 10:57 
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Revu donc avec deud dimanche soir, dans son director's cut.

Même verdict que lors de sa découverte, c'est énorme, mais... je suis pas à fond. C'est un monument, y a des séquences de pur cinoche... mais y a aussi (ponctuellement) le côté "gros sabots" de Stone, qui me paraît fragiliser l'ensemble, vu le côté "sérieux" et sensible du projet.
Et puis je trouve Costner vraiment moyen. Autant, ça va quand il est en plein dans ses fonctions de procureur (travail d'investigation ou animation du procès), autant les séquences vie de famille ou "citoyen lambda déniaisé", je le trouve pas bon du tout.
Mais bon, ça reste un truc énorme qu'on prend plaisir à se (re)prendre en pleine face, même pendant 3h25.


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MessagePosté: 02 Déc 2008, 20:21 
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Un grand bravo à la vanne de Jericho que même moi j'aurais pas osé faire !

Le texte du Freak m'a fait remémorer pas mal de bons souvenirs du film. Entre autres, le rapide regard caméra lors de la phrase de winner, c'était excellent.


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MessagePosté: 06 Fév 2009, 19:18 
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Découvert hier.

Je ne suis pas du tout, du tout fan d'Oliver Stone. Ses grands discours, son patriotisme de gauche, sa lourdeur m'avaient empéché d'aimer ses films. D'ou, ici, une très bonne surprise.
La plupart des détracteurs de JFK y voient un film bassement propagandiste ; c'est oublier que Stone avait d'autres moyens de s'y prendre, sans doute plus évidents ( Chuck Rogers, les liens Ruby-mafia, les écoutes sur Bobby Kennedy ). Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'un gauchiste comme Stone et un bushiste comme Ellroy voient l'affaire Kennedy d'une manière assez comparable :lol:
Stone déploie tout son attirail de montage ici. Chaque découverte faire par Jim Garrison/Kevin Costner est suivie d'une image, ou d'une séquence, reconstituée, ou tirée d'archives. Le film est très dense pour sa durée, évitant certes tout ennui mais perdant aussi le spectateur dans une kyrielle de personnages secondaires, de témoins et de séquences reconstituées.
Mais ce qui est passionant c'est cette volonté de faire douter le spectateur de ce que Stone lui présente, mélant les archives et les reconstitutions, la réalité et la fiction, jouant sur les formats, le noir et blanc... plus le film progresse et plus le spectateur n'a plus qu'une seule certitude : il ne sait rien. Chaque découverte ne fait que faire un peu plus douter de la vision de Stone et au final, la vérité reste toujours loin.
Dommage que les scènes entre Costner et sa femme alourdissent un film qui ( la plupart du temps ) évite les travers habituels de Stone, non pas qu'ils soient absents mais parce qu'ils n'ont jamais été aussi adaptés à leur sujet.

5/6


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MessagePosté: 06 Fév 2009, 20:47 
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BuzzMeeks a écrit:
Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'un gauchiste comme Stone et un bushiste comme Ellroy voient l'affaire Kennedy d'une manière assez comparable :lol:


Interrogé pat Technikart à la sortie de American Tabloïd, ce n'était pas vraiment l'avis d'Ellroy.


Technikart : Oliver Stone affirme vouloir secouer la conscience américaine ? Votre nouvelle trilogie va-t-elle faire de vous le Stone de la littérature ?

James Ellroy : Oliver Stone, avec JFK, secouer la conscience. (Agacé) Non, non, sûrement pas. Ce film était vraiment trop bête, ridicule. La théorie qu'il défend me semble à la fois confuse et simpliste. Ses recherches sont fumeuses, les miennes méthodiques. Et il se place du côté de Kennedy, un héros pour lui. Sûrement pas pour moi ! Oliver Stone, même s'il affirme le contraire, est quelqu'un d'extrêmement politically correct, un libéral dans le vent.



De l'autre côté quand on demande à Stone ce qu'il pense du livre, il le qualifie de "tissu de conneries".

Moi je trouve les deux regards différents mais assez complémentaires, et le livre comme le film sont très haut dans mon panthéon personnel.


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MessagePosté: 07 Fév 2009, 18:39 
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Le bouquin du procureur Garrison, comme contre-pied énorme au rapport du juge Warren sur l'assassinat de JFK, est sympa.

Et l'ironie de l'histoire, c'est que dans le film de Stone, Jim Garrison y fait un caméo en jouant le rôle du... juge Warren !! :lol:

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 Sujet du message: Re: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 18 Juil 2009, 14:14 
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Une petite pensée pour un des meilleurs acteurs du film, Walter Cronkite, mort aujourd'hui.

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 Sujet du message: Re: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 18 Juil 2009, 17:12 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Une petite pensée pour un des meilleurs acteurs du film, Walter Cronkite, mort aujourd'hui.

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ah j'etais pas sur que ce soit bien lui..bon RIP

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 Sujet du message: Re: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 02 Juil 2012, 02:40 
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Bon, puisque c'est là-dessus que je suis attendu au tournant : oui, c'est assez exaltant, j'ai pris mon pied. Au-delà de juger ou pas de la qualité du film (je vais y venir), celui-ci m'a mené par le bout du nez, les trois heures passent à une vitesse hallucinante, et mis à part quelques égarement formels (l'intro, entre autres), ce monteur est Dieu. Les problèmes réellement visibles se limitent finalement à une chose : le filtre d'une idéologie aux sabots maousses, convaincue de détenir la vérité, désignant gentils et méchants, disposant méticuleusement un manichéisme ; mais justement j'y reviens.


Il y a quelque chose qui frappe vraiment dans ce film, au-delà d'y découvrir l'origine de nombreux films-enquête fascinés par la prolifération presque organique de traces, de preuves, d'images, d'un réseau aux proportions monstrueuses qui s'étend comme un cancer (j'ai beaucoup pensé, par exemple, au Fincher de Zodiac et Millenium). Non, ce qui frappe, surtout, c'est ce que ce film n'est pas : c'est à dire un enfant direct de Zapruder et cie, un enfant de la première génération qui a pris la chose droit dans le ventre. Car finalement, dans tout le Hollywood des années 70, c'est ouverture sur le doute qu'on a fait fructifier, les réponses s’évaporant, le monde devenant incertain : c'est un climat anxiogène, merdique, sans issue ni gare d'arrivée, un plancher qui se dérobe un peu plus à chaque pas, une perte de repère insatisfaisante et frustrante.

Comme on recoudrait une gigantesque plaie, avec pour ça les moyens gigantesques qui vont avec (c'est à dire la durée du film, qui est un geste ostentatoire à lui tout seul), Stone fait l'inverse : dans la prolifération des images quantiques, incertaines, interchangeables, il a cette prétention improbable de faire le tri. De répondre. Grand travail, grand ménage, projet d'inconscient (de cinéphile sans mémoire diront certains...). Si le film est si personnel malgré les atours du film-enquête, c'est que le combat David VS Goliath de son personnage est celui de son réalisateur, du moins tel qu'il l'ambitionne : restaurer l'ordre et l'assurance perdue du cinéma américain - et par là-même, redonner vie au patriotisme tâché.

On se demande souvent durant le film pourquoi cette prolifération presque endémique de ces images d'archives, mêlées, vraies ou reconstituées, avec une telle hargne que leur utilisation se fait limite poétique. Or, en se penchant de plus près sur la chose, on remarque l'impensable : ces images sont utilisées comme des preuves. Toutes, les vraies comme les fausses, même quand une paire de ciseaux vient nous souligner en direct leur facticité, même quand, lors de la comique descente d'Oswald en 90 secondes, l'archive vient prouver le ridicule en l'imageant littéralement, la chose étant alors démontrée impossible par l'absurde, comme par les faits. Qu'importe la nature de ces images, semble nous dire Stone, la proposition franche qu'il nous fait reste toujours la même : avoir confiance en elles. Elles viennent acter des faits, collecter, elle dessinent une géographie à laquelle il faut avoir foi. Et ce n'est pas un hasard, finalement, ce trou hallucinant dans la théorie du complot comme dans les images du film, à savoir l'écartement quasi-total d'un Kennedy abstrait, légendaire, blanchi, réduit à la silhouette floue du film de Zapruder. Il est devenu un nouveau socle intouchable, car il est là clé.

Le film de Zapruder, à l'époque, fut la détonation qui plongea le monde des images américains dans le chaos du doute, rendant tout plan infréquentable, propre à duper, à perdre. Par un retournement hallucinant, comme un retour à la source, le film de Zapruder chez Stone est justement, tout simplement, littéralement... une preuve. LA preuve, même, la reine preuve : tangible, incontestable, celle qui bat le mensonge à plate couture, la relique montrant qu'une certitude est possible. Kennedy est la clé, parce que son film est la démonstration-même qu'un ordre est envisageable, qu'un sens existe, et qu'il est décelable.


Alors à ce stade, je passe à Stone sa lourdeur, son goût presque coupable de l'indignation du spectateur qu'on caresse en grandes pompes, la facilité des manettes qu'il utilise chez l'avide de certitudes que tout à chacun est, l'emballement trop fier est un peu vain de la forme rubik's cube, le fait de nier la dangerosité des armes qu'il utilise - nous abreuvant, telle la petite fille de la nouvelle génération hypnotisée devant sa télé, d'un flot d'image qui peuvent nous raconter tout et son contraire. Ça ne fait pas le poids face au culot total de l'entreprise, ce projet inconscient aux implications formelles monumentales, dont j'en viens presque à penser qu'il a eu un rôle dans la remarquable stabilité de la forme hollywoodienne des 90, cette décennie apaisée en forme de courte de trêve, avant que les images américaines ne soient en proie à de nouveaux malaises.

En fait, en attaquant la démonstration sous l'angle d'une armada divertissante et roublarde au service d'une idéologie, il faudrait peut-être opposer une scène, la meilleure : la rencontre avec Sutherland, qui découpe le film en deux, quasi-pile en son milieu. Quelques minutes où un inconnu en noir, qui s'auto-baptise "X", dans l'épure d'un décor enfin vidé et ô combien symbolique, vient simplement délivrer une pensée - soit le point de vue personnel de Stone sur l'affaire, et sur son pays en général. Le personnage n'a aucune influence sur le procès, sur la démonstration, sur la preuve, sur le fouillis bordélique de signes qui reste l'horizon du film : il est totalement déconnecté des autres personnages, des causes et conséquences du récit, de sa dramaturgie, et en sort aussi tranquillement qu'il y est rentré. Dans sa pureté et son abstraction, dans son quasi-monologue (et à la limite, les illustrations n&b s'avèrent ici presque hors-sujet, on le sent assez nettement d'ailleurs), il est simplement la vision personnelle qui traverse l'enquête, et le film de Stone avec. Comme détachée d'une démonstration générale qui a d'autre buts et d'autres fonctions, une légitimité par essence au-delà des idées qu'elle véhicule... Rien que pour ça, rien que pour cette articulation si étrange, ce film est plus intelligent qu'il peut en avoir l'air.


(désolé si je donne l'impression de faire mon petit Thoret illustré dans ce message, c'est pas volontaire...)


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 Sujet du message: Re: JFK (Oliver Stone - 1991)
MessagePosté: 02 Juil 2012, 10:33 
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Du coup ce matin je suis allé voir ce qu'en disait Thoret justement (j'ai son bouquin depuis un moment mais remarquant rapidement que j'avais pas vu les 3/4 des films dont il était sujet, et ayant peur de me spoiler, j'avais à peine dépassé le premier chapitre...)

Bref, voici l'extrait concernant JFK, passage finalement très rapide qui ne recoupe qu'en partie mes vues, et qui propose une idée super intéressante :

Thoret a écrit:
Lors de la plaidoirie finale de Jim Garrison, spectateurs et jurés se confondent et assistent enfin à une remise en scène du film de Zapruder. Oliver Stone filme moins du point de vue de l'Histoire que de son fantasme, autrement dit celui du sens plein. Il faut donc statuer, démontrer, remplir, et tous les moyens sont bons : reconstitution des évènements, suppression du hors-champ par injection de nouvelles images, remontage discursif, prolifération des points de vue, explicitations des détails (ce badaud atteint d'une crise d'épilepsie (...), le policier de Dallas planqué derrière la palissade et la photo de Moorman en apportant la preuve...). D'où le paradoxe suivant : plutôt que d'évacuer complètement le film de l'évènement (l'image, elle, ne produit que du manque, de l'interprétation et de la manipulation), plutôt que d’œuvrer sur le seul terrain de l'enquête objective, JFK choisit malgré tout de revenir sur le film de Zapruder, comme si la vérité historique ne pouvait faire l'économie d'une preuve par l'image. Mais cette preuve est une pure reconstitution qui mêle aux photogrammes de Zapruder des images de sources différentes (documents d'archive, images de fiction...). Quel est alors le statut de cette vérité dont la preuve est un faux ? De quelle Histoire ou de quelle fiction rend-elle compte ? A son insu, Stone fabrique en l'explicitant le piège qu'il pensait déjouer, cette indiscernabilité nouvelle et propre à l’assassinat de Kennedy entre l'évènement et les images qui l'ont donné à voir. Dans JFK, la fiction comble les manque, suture les faits, les réarticule, et devient condition d'une Histoire fictionnelle qui ne s'assume pas comme telle.


C'est vraiment bien vu le fait que les fausses images d'archives et leur profusion disproportionnées soient là pour remplir un besoin, celui de combler enfin les trous, les hors-champ, et tous les doutes de cette affaire : effectivement, on réalise un fantasme, on crée les pièces manquantes, on fait un film rassurant car il offre enfin un monde des images complet, concret, matérialisé.

Mais je ne suis pas d'accord sur des choses comme "Stone fabrique en l'explicitant le piège qu'il pensait déjouer" ou "une Histoire fictionnelle qui ne s'assume pas comme telle" : pour moi il est clairement conscient de la chose, c'est même le projet du film. Soit justement stopper la course de "cette indiscernabilité nouvelle et propre à l’assassinat de Kennedy entre l'évènement et les images qui l'ont donné à voir", classer l'affaire dans tous les sens du terme, tourner la page, tant celle de l'affaire que celle d'un cinéma américain dans le doute, et rendre obsolète l'obsession de la nature des images (vraie ? fausse ? quelle origine ?) en neutralisant d'emblée la question, en la rendant hors-sujet et sans importance. On peut trouver ça malvenu ou malsain, mais je pense vraiment que c'est une démarche réfléchie et volontaire.


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