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MessagePosté: 16 Nov 2016, 09:00 
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Abyssin a écrit:
Vois de toute urgence Une séparation qui est son meilleur film.

Si j'en crois IMDb, celui là est encore mieux noté (n'en déplaise à certains). Sinon j'aurais tellement de films à voir en urgence...


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MessagePosté: 16 Nov 2016, 09:19 
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Qui croit encore IMDb? Surtout sur un film qui vient de sortir...

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MessagePosté: 16 Nov 2016, 09:33 
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Film Freak a écrit:
Qui croit encore IMDb? Surtout sur un film qui vient de sortir...

Pour un même réalisateur dans une période de temps assez courte, ça me suffit.
Mais sinon bien sûr que les notes IMDb sont à prendre avec des pincettes (et pas seulement pour les films récents, ça marche aussi avec des purges du muet).


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MessagePosté: 16 Nov 2016, 10:07 
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Oui mais c'est vrai qu'il y a vraiment un phénomène, film qui vient de sortir sur IMDB, dans un sens ou dans l'autre d'ailleurs (des notes très basses ou trop hautes).

Lohmann a écrit:
Farhadi n'a vraiment pas volé son pris du scénario. Il est d'une complexité et d'une profondeur abyssale, chaque personnage endossant deux rôles, parfois plus. Et je ne vois rien de superflus, tout est sa place, juste. La pièce de théâtre est ô combien nécessaire dans ce jeu de dupes ou l'on préfère se voiler la face plutôt que d'accepter la réalité, afin de mettre à jour le passé de ce couple au crépuscule de leur relation (il est explicitement mentionné qu'ils n'ont plus de rapports sexuels, et c'est bien évidemment le sens de la scène initiale). Femme aimante sur la scène (ce qu'elle a probablement été par le passé), confondu avec une pute ce qu'elle aura probablement été symboliquement, son "violeur" étant le double parfait du metteur en scène avec lequel on imagine qu'elle a eu une liaison, humiliation (le terme revient régulièrement) qu'Emad aura tenue cachée jusqu'à décider de crever l'abcès (la mort du double étant alors totalement nécessaire). Farhadi joue à la fois de la figure des poupées gigognes et du cercle (voir du tourbillon) pour mettre à nu la réalité du couple en les faisant rejouer leur passé... jusqu'à cette scène finale sublime du couple qui s'est quitté, mais doit de derechef se retrouver ensemble sur la scène.



Intéressante analyse. Le film ne m'avait pas suffisamment plu pour que j'ai envie de m'y replonger mais ça fait sens.

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MessagePosté: 16 Nov 2016, 11:12 
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Totalement en phase avec l'avis de Lohmann. La mécanique du scénar ne fait que refléter l'extrême complexité des états d'âme plongées dans des situations que les dépassent. Et les diverses métaphores enrichissent le film plutôt que l'inverse. Perso j'étais littéralement scotché au bord du fauteuil du début à la fin. Putain de claque.

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MessagePosté: 16 Nov 2016, 11:23 
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Arnotte a écrit:
Perso j'étais littéralement scotché au bord du fauteuil du début à la fin..

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MessagePosté: 16 Nov 2016, 12:14 
Vu la critique du film dans les Cahiers de ce mois ("film de festival typique des années 2010, etc trop vu, trop soutenu par le passé etc...") il y a visiblement actuellement tout un jeu de révisions positionnistes de la part de la critique autour de Farhadi. Evidemment que son cinéma est plus proche d'Haneke ou des Dardenne que de Christopher Nolan, mais ils avaient dû déjà le remarquer en 2010, non?


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MessagePosté: 16 Nov 2016, 12:51 
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Déjà-vu a écrit:
Arnotte a écrit:
Perso j'étais littéralement scotché au bord du fauteuil du début à la fin..

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OK, peut-être pas littéralement (là je suis pris en flagrant délit).

(lol)

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MessagePosté: 19 Nov 2016, 20:41 
J'ai bien aimé le début. Comme dans Elle ou Aquarius, un appartement est au centre du récit, et peut passer a priori comme une métaphore un peu conventionnelle d'une société avec ses clivages, séparations et points aveugles, mais Farhadi ajoute à la métaphore une sorte d'étrangeté polanskienne qui à la fois la retourne et l'enrichit . L'ouverture du film est très belle et donne la note du film : une femme affolée, visiblement plus pauvre que le couple, annonce dans la cage d'escalier que l'immeuble va s'effondrer, mais la mari ne comprend pas ce qui est dit et, tout en voulant planifier l'évacuation de sa famille, s'enferre mollement dans l'immeuble: la tension du film tient dans la non-compréhension de qui est pourtant avoué dès le début , c'est cette non-compréhension qui fait précisément du politique la métaphore et de traduction d'une violence plus sourde, pulsionnelle, familiale et indicible et inverse ainsi les conventions du cinéma de critique social à la Chabrol: c'est alors la séparation sociale qui est l'apparence et le prétexte pulsionnel qui est à la fois un signifiant fort et un secret. L'enquête obsessionnelle du mari revient finalement à progressivement effacer (sans s'en apercevoir) la possibilité de nommer le social que le film offrait pourtant dès le début:
l'origine populaire du coupable, apparemment inoffensif, qui est une surprise pour le mari, la seule chose qu'il a "découverte" lors de son enquête, est ensuite très vite considérée comme une apparence trompeuse, à surmonter, mais le coupable ne peut avouer que ce qui était déjà su, au moins de sa femme, qu'il contraint à être la seule spectatrice de la torture, en semblant croire qu'il fait un geste de réparation.
. Les scène de théâtre ont aussi une sorte de beauté cassevetienne.
J'ai été moins convaincu par la fin avec le mari qui confronte le coupable avec sa famille, sans voir que celle-ci est à le témoin et l'explication du drame, qui est quasiment la même que celle d'une Séparation (mais on remarque ici plus fortement l'influence de Straw Dogs de Peckinpah dans le regard de Farhadi sur le couple, plus encore que Bergman cité dans le film par une affiche de La Honte en suédois dans le texte), à quelques glissements près
(il ne s'agît plus d'un avortement mais d'un viol, d'une femme de ménage mais d'un vieil homme)
, même si ce bégaiement est sans doute révélateur de la société iranienne: il se produit une sorte de valses entre un nombre limités de rôle (le couple d'intello progressiste, jeunes mais usés et démissionnaires, impuissants, dont l'ouveture sur la culture occidentale délimite un entre-soi, mais qui sont pourtant par là-même en lutte, et l'aliénation du prolétariat qui est une négativité à la fois voisine et rivale à cette fatigue), Farhadi semble reprocher paradoxalement au régime d'interdire à la tension qui empoisonne tous les rapports de basculer vraiment dans le tragique qui pourrait représenter au moins un point d'arrêt dans ce retour et cette continuité des situations et rapports: cette violence restera toujours un dispositif, paradoxalement délimité et contrôlé par le regard de celui qui aspire pourtant à l'annuler.

Le film fait aussi pas mal penser à "Marseille" de Schanelec
(même personnage de femme dont la métier d'actrice permet d'absorber et en même temps nommer l'hypocrisie de son compagnon et de son milieu sur un viol probable)
. L'actrice est d'ailleurs excellente. Celui qui joue le vieillard est lui-aussi très bon . Pas trop convaincu en revanche par le surjeu à la Harrisson Ford dans Frantic de l'acteur qui joue le mari


Dernière édition par Gontrand le 20 Nov 2016, 14:52, édité 4 fois.

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MessagePosté: 19 Nov 2016, 21:03 
Lohmann a écrit:
Art Core a écrit:
Personne répond à ma question.
Pour vous c'est évident
qu'il y a viol ou pas ?

Je ne sais pas si c'est un viol ou non, mais le vieux à laisser une liasse de billet, ça me semble suffisamment clair qu'il ne l'a pas laissé sans raison


Deux autres éléments attestent cette hypothèse: quand le mari nettoie les tâche de sangs de l'escalier, une veille voisine fait une allusion au fait qu'elle a trouvé sa femme dans la salle de bain et "en sait plus que lui" (mais il ne l'interroge pas plus avant, alors qu'elle réponderait sans doute). Je pense aussi que le poster de la Honte de Bergman dans le premier appartement (lieu de torture du client) indique que l'agression a été jusqu'à ce point. Dans le Bergman, l'ami intellectuel du couple au début revient pendant la guerre pour coucher avec Ullmann, mais en donnant des billets qui permettent de maintenir une illusion de standing matériel. La duplicité et la paternalisme apparent de cet ami envers le couple rappellent le vieil acteur distingué- mais loueur-proxénète- du film de Farhadi. La femme a sans doute peur de porter plainte car elle risque d'être traitée comme une prostituée (mais aussi, sur un plan non politique, mais purement lié au récit, de devenir à son tour le personnage invisible au centre du récit, dont elle a recueilli les restes qui sont à la fois évidents et en même temps fonctionnent comme un "code", que la mari s'échine à forcer en croyant qu'il s'agît là d'une forme de justice ). Il y a d'ailleurs une équivalence intéressante posée (et articulée par le thème du problème national qui est central chez les deux cinéastes, ils font moins une critique de leur pays respectif qu'ils ne lui reprochent de ne pas permettre un rapport innocent à l'identité nationale: ils en parlent comme d'un complexe) par ce poster entre la honte (qui est dans les deux films le sentiment des victimes et non des coupables) devant l'anéantissement nucléaire dans la guerre (situation du film de Bergman) et la honte devant l'ordre moral et théologique


Dernière édition par Gontrand le 20 Nov 2016, 14:46, édité 2 fois.

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MessagePosté: 20 Nov 2016, 00:10 
Sinon je ne m'explique pas pourquoi les Cahiers ont été dithyrambiques avec Elle et 6 mois plus tard dénigrants et expéditifs avec le Farhadi, alors que les enjeux et la mise en scène des deux films sont extrêmement proches. La mécanique scénaristique du Farhadi est plus convenue, mais les deux films reposent sur le même rapport entre féminisme et un sadisme "absorbé" que la victime retourne en instrument de critique sociale "froide", que l' ironie renforce.
Dans le Farhadi personne et surtout pas le mari "justicier" ne semble se soucier du fait que la prostituée invisible est la principale victime de l'histoire et a dû subir plusieurs fois, de façon planifiée, ce que la femme du couple a subi. Le saloperie et la faiblesse du mari ne font plus aucun doute quand il soupçonne la prostitiuée et essaye de monayer alors une forme d'appui moral du principal coupable (de manière assez cynique, c'est le mac qui la disculpe, il sait que vu la psychologue du mari ce quasi-aveu passe pour de la magnanimité et éloigne le soupçon de lui) .
Cette femme s'est cependant sauvée, qui rejoint un fascinant hors-champs qui peut être un horizon politique pour la société iranienne, mais de manière réaliste, ce salut a mis en jeu un certain sadisme, qui a été aussi l'occasion d'une solidarité: l'actrice est la seule personne à lui avoir parlé (au téléphone) et elle pressent alors que leur ami a dû être le proxénète, en refusant de lui passer ce dernier et interrompant la conversation pour lui permettre de rester à l'écart du film. Mais ce faisant, c'est comme-ci l'ancienne locatrice lui annonçait en même temps qu'elle allait être la prochaîne à être agressée. Dans le système du film, ce qui est au plan du récit une "prophétie" a la même structure qu'un complexe au plan social ou politique.


J'ai aussi adoré le plan au début où l'actrice enlève son maquillage et sa fausse peau et que son visage apparaît strictement identique. Le grimage ne modifie rien et elle ne s'en aperçoit pas, mais il se justifiera plus tard quand elle aura le visage tuméfié et aura besoin de continuer à jouer pour surmonter l'agression. Il y a alors quelque chose de proprement monstrueux et effrayant sur le moment qui devient rétrospectivemenent émouvant et rassurant.


Dernière édition par Gontrand le 20 Nov 2016, 14:50, édité 5 fois.

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MessagePosté: 20 Nov 2016, 00:42 
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Tout à fait d'accord sur le rapprochement avec Elle, je me suis fait exactement la même remarque durant la projection du Client


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MessagePosté: 22 Nov 2016, 01:46 
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Art Core a écrit:
En plus il y a quelque chose qui me dérange dans l'évènement initial. L'espèce de mystère sur ce qui s'est réellement passé
s'est-elle faite violer ou pas ?. J'ai lu des critiques l'affirmer directement alors que pour moi ce n'est jamais clair.
Je comprends pas le choix de garder cette information fondamentale aussi trouble.

Parce que c'est un non-dit dans le couple, justement.

Lohmann a écrit:
Je ne sais pas si c'est un viol ou non, mais le vieux à laisser une liasse de billet, ça me semble suffisamment clair qu'il ne l'a pas laissé sans raison

Ça peut être simplement pour se dédouaner même si ce n'est pas innocent de la part de Farhadi.

Lohmann a écrit:
Art Core a écrit:
De mon côté j'ai l'impression que Farhadi veut nous faire douter sciemment et ne donne jamais vraiment les détails de ce qui s'est passé. Ce que je trouve bizarre et pas du tout efficient. Je pense que ça change tout. Ça donne une tout autre couleur au désir de justice du personnage principal. Et puis plus globalement pour moi ce n'est plus le même rapport entre les personnages.

le but n'est pas de faire douter, il renvoie au statut de la femme iranienne/musulmane (il y a des pays où la femme violee est au moins autant coupable que le violeur)

Voilà, j'ai pensé pareil. N'oublions pas qu'on est dans un pays où même le fait d'avoir été vue nue par un homme autre que son mari peut être vu comme une humiliation/une honte. Elle occupe déjà l'appartement d'une pute, le parallèle est vite fait.

Lohmann a écrit:
et pour moi au passé de ce couple, à sa relation adultère jamais avouée mais qu'Emad sait au fond de lui - les insultes envers le metteur en scène/père dans la pièce.
Femme aimante sur la scène (ce qu'elle a probablement été par le passé), confondu avec une pute ce qu'elle aura probablement été symboliquement, son "violeur" étant le double parfait du metteur en scène avec lequel on imagine qu'elle a eu une liaison, humiliation (le terme revient régulièrement) qu'Emad aura tenue cachée jusqu'à décider de crever l'abcès (la mort du double étant alors totalement nécessaire).

Pour ma part, je n'ai pas du tout eu cette lecture du film. Je trouve ça loin d'être inintéressant mais si c'est vraiment le propos, je trouve le film raté parce que ça demande un travail d'interprétation assez poussé quand même (et tu as un peu l'habitude de voir des choses qui ne sont pas là dans les films :D).
Par exemple, les insultes, ça peut être tout simplement parce que Babak prétend que la réputation de la précédente loctaire ne sont que des "ragots" alors que le répondeur révèle qu'il était un de ses clients.


Lohmann a écrit:
La pièce de théâtre est ô combien nécessaire dans ce jeu de dupes ou l'on préfère se voiler la face plutôt que d'accepter la réalité, afin de mettre à jour le passé de ce couple au crépuscule de leur relation (il est explicitement mentionné qu'ils n'ont plus de rapports sexuels, et c'est bien évidemment le sens de la scène initiale).

Oui enfin ça on l'avait bien compris, ça ne rend pas la mise en abyme plus finaude. J'en apprécie le sens également, comme toi, mais l'exécution est un peu lourde. Je trouve le décor théorique de l'appartement vide dans l'immeuble qui s'effondre plus réussi.

Lohmann a écrit:
Au delà des prouesses du scénario, Farhadi parle de la condition de la femme en Iran, du statut de l'acteur (qu'il dirige admirablement), use d'une mise en scène précise (voir clinique) qui nous fout la boule au ventre tout au long du film.

Assez d'accord avec ça même si je trouve que le film n'a pas la force sociale d'Une séparation mais demeure moins artificiel que Le Passé et sa "cascade de twists" évoqués par DPSR dans sa critique.

Toutefois, je m'aligne complètement sur la perception de Gontrand :
Gontrand a écrit:
la tension du film tient dans la non-compréhension de qui est pourtant avoué dès le début , c'est cette non-compréhension qui fait précisément du politique la métaphore et de traduction d'une violence plus sourde, pulsionnelle, familiale et indicible et inverse ainsi les conventions du cinéma de critique social à la Chabrol: c'est alors la séparation sociale qui est l'apparence et le prétexte pulsionnel qui est à la fois un signifiant fort et un secret. L'enquête obsessionnelle du mari revient finalement à progressivement effacer (sans s'en apercevoir) la possibilité de nommer le social que le film offrait pourtant dès le début:
l'origine populaire du coupable, apparemment inoffensif, qui est une surprise pour le mari, la seule chose qu'il a "découverte" lors de son enquête, est ensuite très vite considérée comme une apparence trompeuse, à surmonter, mais le coupable ne peut avouer que ce qui était déjà su, au moins de sa femme, qu'il contraint à être la seule spectatrice de la torture, en semblant croire qu'il fait un geste de réparation.
.

À l'instar de ses deux précédents films, Farhadi signe à nouveau une sorte d'improbable "polar de quidam" où l'on se perd dans le blame game plutôt que d'essayer de résoudre l'impasse communicative cultivée par la société.

Moi aussi, je trouve la fin plutôt underwhelming (et longuette) alors que le film avait réussi à maintenir accroché, à défaut de complètement m'identifier.
Mais ça reste assez efficace.

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MessagePosté: 22 Nov 2016, 04:45 
Film Freak a écrit:
Art Core a écrit:
En plus il y a quelque chose qui me dérange dans l'évènement initial. L'espèce de mystère sur ce qui s'est réellement passé
s'est-elle faite violer ou pas ?. J'ai lu des critiques l'affirmer directement alors que pour moi ce n'est jamais clair.
Je comprends pas le choix de garder cette information fondamentale aussi trouble.

Parce que c'est un non-dit dans le couple, justement.




Oui tout à fait c'est cela le noeud du film, le problème ce n'est pas tant qu'il y ait eu viol ou non (et que la femme soit symboliquement souillée ou pas, elle est tout à fait capable de se reconstruire et de surmonter le regard dominant, religieux, machiste, sur le viol et l'accusation implicite de complicité, la fausse compassion ou l'éloignement du mari, etc... c'est pas cela l'enjeu), le problème c'est que le mari pourrait à tout moment simplement le demander mais ne le fait pas. Et à la limite sa femme pourrait aussi lui demander ce qu'il a vu dans la salle de bain. Le mari a quand-même des excuses
, la scène de l'opération de sa femme, pour laquelle là il a voulu cette fois voulu "forcer le regard" et être présent, est assez traumatisante, et c'est un miracle qu'elle s'en sorte si bien. D'ailleurs la situation initiale de l'écroulement (arrêté en cours de route) de l'immeuble se répète pendant l'opération: en même temps qu'il voir un truc choquant, des voix (des voisins, hors-champs) lui disent que "cela aurait pu être plus grave" mais lui pense visiblement que sa femme va rester dans le coma (le film bifurque avant de répéter l'histoire du Passé. C'est le seul passage où la pulsion scopique du mari ne relève pas du voyeurisme et d'une forme de piétinement, mais on lui dit de partir car il ne s'est finalement rien passé. Cette partie du film est très bonne
.

Je ne pense pas trop non plus que la femme ait été adultère avec Babak (elle semble plutôt se méfier énormément de lui) et que le mari l'insulte parce qu'il soit jaloux, je crois qu'il attaque Babak parce qu'il est quand-même conscient du sort de l'ancienne locataire, même s'il n'oriente pas son enquête dans ce sens. Par contre Babak a dû être un peu plus qu'un client et carrément un souteneur (il a la clé de l'endroit où elle a ses effets) voire même le père de l'enfant, avec un truc peut-être pire encore il y a quelque chose de diffus à la Chinatown dans le film.
Pour moi il n'est pas complètement exclu que le vielllard le couvre parce que Babak l'intimide de la même manière que le mari en manaçant de tout débaler à sa famille ; et qu'il soit un client relativement innocent (et Lohmann pourrait alors avoir raison en voyant alors dans Babak à la fois un ex-amant et un violeur, le silence de la femme a bien une raison). D'ailleurs pas plus que le mari ne demande à la femme ce qui s'est passé, la famille du vieillard ou le gendre ne demandent à qui que ce soit ce qui se passe dans l'appartement, qui est quand-même bien WTF, c'est "tu prends tes lunettes et ton médicament et on se casse si tu ne crèves pas avant", sauf que personne ne va réussir à se casser, il y a toujours un même mélange d'incuriosité, de haine et d'acceptation déférente à l'intérieur (dans la famille) et entre les rapports de classes qui immobilise tout le monde (le film ne parle pas que de l'Iran là-dessus). Ces rapports de classe pourraient être équilibrés finalement par la police et la justice, qui sont absentes et à laquelle tout le monde peut se substituer sans rien piger, le film relie paradoxalement une forme de totalitarisme à l'absence de vraie police. C'est finalement un peu la situation de Close Up de Kiarostami mais prise par l'autre bout, dans le Kiarostami le procureur est incapable d'évaluer et de requérir, il ne fait qu'instruire, mais devient paradoxalement encore plus terrifiant, dans le Farhadi c'est le mari qui cumule tous les rôles moraux et sociaux possibles: mari, collègue, victime, procureur, gardien de prison, enquêteur, médecin, sociologue, acteur, locataire de la caisse du mec, enseignant et d'ailleurs, il est avec ses élèves (très bonnes scènes de classe d'ailleurs) à la fois prof de lettre façon "Cercle des Poètes Disparus, brillant, quasi-dissident et persécuté par le système, et gardien des moeurs de la révolution : il balance quand-même l'homosexualité d'un de ses élèves à la classe, ce qui n'est pas très fin vu le contexte politique, et est prêt à remonter aux parents avant qu'un autre élève ne lui explique qu'ils sont morts. Il ne comprends pas qu'il en est réduit à devoir perpétuellement accuser pour effacer les traces de ce qu'il vient tout juste de decouvrir. Finalement le seul rôle qu'il n'arrive pas à occuper est celui de père, pourtant le seul désir exprimé dans le film. Babak fait d'ailleurs une drôle de remarque en disant qu'il n'aurait pas proposé l'appartement si sa femme était vraiment enceinte (ce qui laisse penser qu'il planifiait déjà l'agression et que c'est bien lui). Ce film c'est un peu Rosemary's Baby, le bébé et donc le diable en moins. J'ai trouvé séduisant la manière dont la folie des personnages est écrite, à la fois au coeur et à la marge de l'oppression politique. Cela dépasse le mélange de catéchisme et de sadisme des Dardenne/


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MessagePosté: 22 Nov 2016, 12:22 
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Localisation: Fortress of Précarité
[quote="Gontrand"]Oui tout à fait c'est cela le noeud du film, le problème ce n'est pas tant qu'il y ait eu viol ou non (et que la femme soit symboliquement souillée ou pas, elle est tout à fait capable de se reconstruire et de surmonter le regard dominant, religieux, machiste, sur le viol et l'accusation implicite de complicité, la fausse compassion ou l'éloignement du mari, etc... c'est pas cela l'enjeu), le problème c'est que le mari pourrait à tout moment simplement le demander mais ne le fait pas.
Il demande quand même "Mais qu'est-ce qui s'est passé au juste?" et sa femme répond "Il s'est rien passé".

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