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MessagePosté: 18 Oct 2017, 20:36 
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Olivia, une romancière parisienne connue, anime à La Ciotat un atelier d'écriture avec un groupe de jeunes en insertion. Elle est notamment intriguée par Antoine, un jeune homme taciturne et peu sociable, qui fait bientôt figure de « mouton noir » du groupe où il fait des propositions d'écriture que les autres jugent choquantes. Olivia et Antoine, qui cherche une échappatoire à son quotidien en s'imprégnant d'une idéologie d'extrême droite, nouent un rapport empreint d'attraction-répulsion...


Bon quand je vois les notes du site du capitaine, j'ai l'impression que je vais être le seul mais c'est pour moi un des films de l'année au point que j'ai du mal à comprendre sa non-présence en sélection principale à Cannes. Pour ceux qui aiment Cantet, je le trouve au-dessus de Entre les murs et c'est pour moi son meilleur film. Comme dans sa palme, les acteurs sont tous débutants, excepté Marina Foïs, et il règne une véritable authenticité même si le récit s'ouvre ici plus au romanesque et qu'on est un peu moins dans un sentiment d'urgence que le Bégaudeau.

Que raconte le film? Portrait de la jeunesse, de la mixité sociale française, des aspirations politiques extrêmes... c'est effectivement tout ça mais ça serait dommage d'y réduire le film tellement il aborde de manière discrète des thématiques sociétales vastes et complexes. Ce qui est remarquable c'est le regard sensible de Cantet qui ne juge pas, écoute et essaie de comprendre à la manière du personnage de Foïs qui interviewe son élève pour un personnage de son prochain roman. Bref, c'est bateau ce que je vais dire mais Cantet se repose sur l'intelligence de son spectateur, c'est d'ailleurs un film très exigeant et pas facile à aborder mais qui est terriblement actuel dans les évènements et la mutation de la société "française" qu'il aborde.

On pourrait parler à ce titre de film "politique", ce qui ne serait pas faux, c'est un film qui parle de la société française avec une acuité rare mais sans être grandiloquent, sans poser lourdement de message ou de thèse, toujours ancré dans le réel. Pour autant le film n'oublie pas son récit et le romanesque. Sans en révéler plus, il y a une très belle scène à la fin, balade menaçante qui se finit au clair de lune.

Et surtout il y a cette formidable confrontation d'acteurs qui est un peu le nerf du film qui lui imprime sa dynamique. C'est le meilleur rôle de Marina Foïs sur le grand écran mais celui qui crève l'écran c'est le jeune Matthieu Lucci qui est FA-BU-LEUX. En tant que jeune paumé attiré par le nationalisme d'extrême droite, c'est une révélation et si il rate le césar du meilleur espoir masculin c'est une injustice. Pour finir, le script est co-écrit par Campillo et c'est assez bizarre. L'impression que le style Campillo enrichit l'univers de Cantet et arrive à le densifier (cf scène nocturne du "flingue") de manière étonnante.

Bon après je suis persuadé que c'est le film qui va diviser, que tout le monde ne va pas avoir mon enthousiasme mais ça se passe à côté de Marseille et ça permet enfin de comprendre comment Deudtens en est arrivé là et puis un film qui commence de manière totalement gratos par 30 secondes de The Witcher 3 c'est juste trop bon.

5,5/6


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MessagePosté: 19 Oct 2017, 09:07 
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Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
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Abyssin a écrit:
j'ai du mal à comprendre sa non-présence en sélection principale à Cannes.

Pour la petite histoire il était à deux doigts (non: un cheveu) de la compète. Mais ils ont accepté UCR du coup c'est Ozon qui a pris sa place (avec son film pourri).

Oui c'est un bon Cantet, qui comme d'hab' brille pour diriger des groupes. Tous les acteurs ont bluffants de naturel, Foïs est top. C'est assez brillant dans l'écriture et bien sûr sur le fond c'est super intéressant. Après, j'ai jamais été à fond non plus. Entre les murs reste mon préféré.. Mais j'avais également préféré son très beau Retour à Ithaque, qui m'avait beaucoup plus touché.

4/6 pour moi

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MessagePosté: 19 Oct 2017, 09:38 
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Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
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Arnotte a écrit:
C'est assez brillant dans l'écriture et bien sûr sur le fond c'est super intéressant. Après, j'ai jamais été à fond non plus. Entre les murs reste mon préféré.. Mais j'avais également préféré son très beau Retour à Ithaque, qui m'avait beaucoup plus touché.

4/6 pour moi

Bon je donne mon ressenti mais effectivement je trouve le film plus froid et plus difficile d'accès que ses précédents. Tu fais bien de souligner l'excellence de l'écriture, aucune fausse note et dieu sait que le sujet y prêtait mais ça témoigne d'une maitrise et d'une intelligence rares. J'aime bien aussi la manière dont le film, au premier abord "petit", déroule progressivement ses atouts pour devenir vertigineux. Le fond a été déjà exploré (pas qu'au cinéma) mais je trouve que la méthode Cantet et ses acteurs amateurs lui donnent une véritable force, un naturel comme tu dis. C'est peut-être pas son film le plus accessible de prime abord (ça n'est pas une excuse), cinéma très exigeant, mais je trouve le résultat remarquable. J'ai du mal à en parler mais le film m'a véritablement bouleversé et j'ai très peu parlé de la mise en scène. Très sobre, toujours au service du film, elle est simplement parfaite (ces cadrages!). On pourrait parler pour les négatifs d'une "surmaitrise" mais je trouve qu'elle ne fait que renforcer le propos du film. Bref gros coup de coeur et je n'arrête pas de penser au duo Lucci-Foïs qui est un des plus beaux que le cinéma français nous ait offert ces dernières années. Ca pue les nominations au césars pour ces deux. Putain d'acteur ce jeune!

Bref, on aura compris que j'ai eu un coup de coeur mais c'est un film très simple au premier abord qui révèle une profondeur immense. Ca pourrait être caricatural, simplifié mais comme diraient certains le cinéma est une affaire de regard de cinéaste et je trouve celui de Cantet admirable. Bon j'arrête le fan-boy mais pour ceux qui hésitent ça vaut vraiment le coup de se pencher dessus. Pour une fois, je comprend les emballements de la presse française qui crie au chef d'oeuvre.


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MessagePosté: 14 Déc 2020, 12:28 
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Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
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L'ambition de faire un film post-Bataclan, en confrontant et en même temps transformant le dispositif collectif d'"Entre les Murs", en le faisant vieillir avec ses personnages, est louable, mais je trouve que le résultat est partiellement boiteux, avec deux films en un qui ne se rejoignent pas : d'un côté un cinéma social, mais assez didactique, dans une veine qui évoque Lucas Belvaux plutôt que Guédiguian, de l'autre une histoire de desir et de séduction vampirique, du jeune vers le mûr, presqu'à la Ozon avec Marina Foïs dans la situation de Charlotte Rapling. Ce désir est là pour déjouer la naturalisme (c'est peut-être le problème du film finalement, car le contenu du roman naturaliste est souvent le désir) et mettre en scène un rapport pur à autrui, qui pourrait dépasser la violence du racisme : l'idéologie fonctionne comme le déni de cette pureté accessible. Il y a l'idée que le vrai rapport à autrui implique toujours un degré de violence et de forçage, auquel il faut consentir pour ensuite le maîtriser. C'est cela qui distingue la violence structurelle, systémique du politique, de quelque-chose de plus plusionnel et intime mais qui admet la catharsis. La thèse du film étant que l'idéologie des Incels à la Alain Soral est difficile à déjouer car elle fusionne les deux violences : il n'y a plus de couple ni de sexualité, ils sont absorbés dans un esprit de corps et de loyauté viriliste. Du coup la rupture et la porte de sortie avec ces idéologies sont plus individuelles que le mécanisme qui mène à l'adhésion.
Mais je trouve le film trop programmatique. Ni le personnage de Foïs ni celui d'Antoine n'ont de vie privée, ce sont des tables rases à la Marivaux : elles peuvent se permettre d'avoir raison politiquement que sur la foi d'un renoncement préalable qui fonctionne à la fois comme une intention et un secret.
Il a tendance à mettre un peu facilement en abyme son propre déficit d'écriture dans la situation qu'il raconte de l'intérieur (l'atelier d'écriture) qui fonctionne alors comme un reflet dénué d'enjeu propre. Cela se ressent dans une forme de rupture entre l'aspect fragile des adolescents qui y participent et la qualité des textes qu'ils écrivent . Ils intériorisaient avant que le film ne commence cette qualité comme un norme : on en questionne la valeur pour ne pas en questionner l'existence (c'est une attitude finalement
trop pessimiste pour être critique). Cela crée aussi une situation où l'evaluation des discours et des images est le problème de la génération des parents et leur production et compréhension celui des enfants. Même si le film en est conscient et renforce ce partage des taches : le texte que produisent les jeunes sur la memoire ouvrière,en particulier Malika, n'est pas mauvais, mais on leur signifie assez cruellement mais de façon toujours indirecte, que le lien de filiation sur lequel il repose est irréel et fantasmé : le social et la mémoire sont encore plus fictifs que le meurtre qui sert de McGuffin à l'atelier. Le fait que le lien social soit lui-même une fiction fonctionne ici comme une tromperie : on le désirerait naturel. Cela implique aussi qu'il n'y a pas plus de contrat social à gauche , qu'à l'extrême-droite. Foïs a en commun avec Antoine de ne pas y croire : la peur qu'ils révèlent dans le film n'est pas neuve, elle fonctionne comme une loi collective anonyme. C'est naïvement qu'Antoine la confond avec un rapport érotique.
Au crédit du film, les scènes avec le groupe de jeunes sont assez bonnes. Cependant là encore ils ne sortent jamais de la caractérisation qui est imposée à leur personnage, qui se confond avec le lien social réel qu'ils reproduisent en croyant faire œuvre d'imagination. Mais cette caractérisation est elle-même écrite et imaginaire. .. Peut-être que la représentation d'un espace un peu plus ample aurait évité ce paradoxe (le film est d'ailleurs bon quand il montre la famille d'Antoine, mais les personnages ne reviennent plus après avoir été exposés) ?
Ici il faut clôturer la société pour qu'elle corresponde à une leçon morale, qui lui confère un achèvement paradoxal.

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


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